Bruxelles, le 3 décembre 2025 – En plein cœur de l'automne wallon, alors que les feuilles tombent et que l'année 2025 touche à sa fin, un rapport publié en juillet dernier par le Forem, le service wallon de l’emploi et de la formation, résonne avec une acuité particulière. Intitulé implicitement « Parlons solutions », ce document détaille une liste alarmante de 146 métiers considérés comme critiques ou en pénurie. Une réalité chiffrée qui, cinq mois après sa publication, continue de poser des questions fondamentales sur l'adéquation entre l'offre et la demande de compétences en Wallonie, et d'orienter les stratégies pour l'année 2026.
Qu'est-ce qu'un métier critique ou en pénurie pour le Forem ?
La distinction entre un métier critique et un métier en pénurie, bien que subtile, est essentielle pour comprendre la complexité du marché de l'emploi wallon. Le Forem établit cette liste annuelle en se basant sur une analyse rigoureuse des offres d'emploi, des entretiens avec les entreprises et des données du marché du travail. Selon les critères établis, une fonction est jugée critique en raison des difficultés rencontrées par les employeurs pour recruter, même si des candidats sont disponibles sur le marché.
Ces difficultés peuvent être multiples :
- Manque de qualifications spécifiques : Les candidats disponibles ne possèdent pas les compétences techniques ou les diplômes requis.
- Expérience insuffisante : Les postes nécessitent une expérience que peu de postulants peuvent justifier.
- Compétences transversales : Des lacunes en langues, en compétences numériques ou en soft skills (autonomie, esprit d'équipe, adaptabilité) peuvent être un frein.
- Conditions de travail : Des horaires atypiques, la pénibilité de la tâche ou des salaires jugés peu attractifs.
Un métier est quant à lui considéré en pénurie lorsque le nombre de candidats disponibles sur le marché est tout simplement insuffisant pour couvrir les besoins des entreprises. Il s'agit souvent de secteurs en forte croissance ou de métiers exigeant des formations très spécifiques et longues, pour lesquels la filière de formation ne génère pas assez de diplômés.
La publication du Forem, relayée initialement par la RTBF en juillet dernier, a eu le mérite de mettre ces enjeux en lumière, notamment à travers des infographies détaillées qui illustrent la profondeur et la diversité de ces pénuries et fonctions critiques à travers la région.
La liste des 146 : une photographie des besoins wallons
Les 146 métiers identifiés par le Forem dessinent une cartographie précise des secteurs sous tension en Wallonie. Cette liste hétéroclite couvre un large éventail d'activités, du secteur tertiaire à l'industrie, en passant par la construction et l'IT. Bien que la liste complète soit exhaustive et consultable dans le rapport du Forem, quelques exemples permettent d'illustrer la diversité des besoins :
- Santé et Soins : Infirmiers, aides-soignants, médecins spécialistes. Un secteur dont la tension est structurelle et s'est même accentuée post-pandémie.
- Construction : Chefs de chantier, maçons qualifiés, couvreurs, électriciens du bâtiment, conducteurs d'engins. La relance économique et les besoins en rénovation énergétique maintiennent une forte demande.
- Industrie et Production : Soudeurs, techniciens de maintenance industrielle, conducteurs de machines CNC, ingénieurs en production, électromécaniciens. Des métiers cruciaux pour la compétitivité du tissu industriel wallon.
- Technologies de l'Information : Développeurs (frontend, backend, fullstack), administrateurs système, spécialistes en cybersécurité, analystes de données. Un secteur en expansion constante où la demande dépasse largement l'offre de talents.
- Services et Horeca : Cuisiniers, chefs de partie, personnel de salle qualifié, comptables, chauffeurs poids lourds. Des métiers parfois délaissés, mais essentiels au quotidien économique et social.
Cette liste n'est pas statique ; elle évolue chaque année, reflétant les mutations économiques, technologiques et sociétales. En décembre 2025, la persistance de ces pénuries confirme que les défis identifiés il y a cinq mois sont loin d'être résolus et exigent une attention continue et des actions concertées pour l'année à venir.
« Parlons solutions » : les stratégies du Forem et de la Wallonie
Face à cette réalité, le Forem ne se contente pas de dresser un constat. L'institution est au cœur des initiatives visant à transformer ces défis en opportunités. Le slogan implicite du rapport, « Parlons solutions », n'est pas anodin et se traduit par plusieurs axes d'action :
- Adaptation et création de formations : Le Forem ajuste continuellement son offre de formation en fonction des besoins du marché. De nouvelles filières sont créées, souvent en partenariat avec les entreprises et les centres de compétences, pour former rapidement aux métiers en demande.
- Valorisation des compétences et Validation des acquis de l'expérience (VAE) : Permettre aux individus de faire reconnaître leurs compétences, même acquises hors d'un parcours scolaire traditionnel, pour faciliter leur accès à l'emploi ou à la formation qualifiante.
- Sensibilisation et orientation : Mener des campagnes d'information auprès des jeunes, des demandeurs d'emploi et des personnes en reconversion, pour les orienter vers ces métiers d'avenir. Le Forem travaille également à déconstruire les stéréotypes associés à certains métiers.
- Collaboration avec les entreprises : Renforcer les liens avec le monde économique pour mieux anticiper les besoins, proposer des formations sur mesure et faciliter les immersions professionnelles (stages, alternance).
- Aides à l'emploi et à la formation : Mettre en place des dispositifs d'aide pour les demandeurs d'emploi (primes à la formation, accompagnement personnalisé) et pour les employeurs (aides au recrutement, à la formation en interne).
Depuis la publication de la liste en juillet, ces actions ont été intensifiées, avec une attention particulière portée sur la communication et la facilitation des parcours. Le gouvernement wallon, conscient de l'urgence, a également annoncé des investissements ciblés pour soutenir ces dynamiques.
Impact économique et social : les enjeux pour 2026
L'existence de 146 métiers critiques et en pénurie n'est pas sans conséquences. Sur le plan économique, elle freine la croissance des entreprises wallonnes, les empêche de saisir de nouvelles opportunités de marché, diminue leur compétitivité et peut même conduire à la délocalisation de certaines activités. L'innovation elle-même peut être ralentie faute de talents qualifiés.
Sur le plan social, cette situation crée un paradoxe : un taux de chômage persistant coexistant avec un nombre élevé d'offres d'emploi non pourvues. Cela génère de la frustration chez les demandeurs d'emploi qui ne trouvent pas de débouchés, et une surcharge de travail pour les employés en poste dans les secteurs sous tension. C'est également un enjeu d'attractivité pour la région, qui doit pouvoir retenir et attirer les talents.
Alors que nous nous préparons à basculer en 2026, la Wallonie est à un carrefour. Les efforts déployés par le Forem et les partenaires socio-économiques doivent être maintenus et amplifiés. Il s'agit non seulement de former aux métiers d'aujourd'hui, mais aussi d'anticiper ceux de demain, en mettant l'accent sur la flexibilité, l'apprentissage tout au long de la vie et la mobilité professionnelle.
Vers un marché de l'emploi plus résilient en Wallonie
La liste des 146 métiers critiques et en pénurie est plus qu'un simple recensement ; c'est un baromètre de la santé économique et sociale de la Wallonie. Elle est un appel à l'action pour les pouvoirs publics, les acteurs de la formation, les entreprises et les citoyens. En décembre 2025, il est clair que les solutions ne viendront pas d'une approche unique, mais d'une synergie de mesures, d'investissements stratégiques et d'une volonté collective de construire un marché de l'emploi plus résilient, plus dynamique et plus inclusif.
L'enjeu est de taille : il s'agit de garantir la prospérité future de la Wallonie en dotant ses entreprises des compétences dont elles ont besoin, et en offrant à ses citoyens des opportunités d'emploi durables et épanouissantes. Le chemin est tracé ; il ne reste plus qu'à poursuivre l'effort, en gardant à l'esprit que chaque métier pourvu est une victoire pour l'économie régionale.