lundi 15 décembre 2025
Le Chili face à son passé et son futur : l'extrême droite aux portes de la Moneda en 2025
Politique

Le Chili face à son passé et son futur : l'extrême droite aux portes de la Moneda en 2025

À quelques jours du scrutin présidentiel crucial de décembre 2025, le Chili se trouve à un carrefour historique. Trente-cinq ans après le départ du général Pinochet de la Moneda, le pays andin pourrait renouer avec l'extrême droite au pouvoir, incarnée par un candidat polarisant qui divise profondément la nation.

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Santiago, Chili – 14 décembre 2025. L'air de Santiago vibre d'une tension palpable alors que le Chili s'apprête à écrire un nouveau chapitre de son histoire politique ce dimanche. Partout dans la capitale, des graffitis aux banderoles, en passant par les débats enflammés dans les cafés et les marchés, une question brûle les lèvres : le pays est-il sur le point de voir l'extrême droite s'installer de nouveau au palais présidentiel de La Moneda ?

Le terme, souvent péjoratif et controversé, de « nazi » est murmuré dans les rues et dénoncé par les opposants, visant le candidat le plus en vue de la droite radicale. Cet adjectif, qu'il soit une caricature excessive ou l'expression d'une véritable peur, souligne l'intensité du débat et l'héritage pesant d'un passé que beaucoup croyaient révolu.

Un Écho du Passé : 35 Ans Après Pinochet

Le calendrier politique chilien de cette fin d'année 2025 résonne étrangement avec l'histoire. Il y a précisément trente-cinq ans, en mars 1990, le général Augusto Pinochet quittait le palais de La Moneda, ouvrant la voie à une nouvelle ère démocratique après dix-sept années de dictature militaire. Ce départ marquait un tournant décisif, mais son ombre n'a jamais complètement disparu du paysage politique chilien.

Après le gouvernement de Gabriel Boric, élu en 2021 sur une vague de promesses de réformes sociales et d'une nouvelle constitution, le Chili semble désormais confronté à un possible revirement majeur. La désillusion d'une partie de l'électorat, les défis économiques persistants et une recrudescence de l'insécurité ont créé un terreau fertile pour les discours d'ordre et de fermeté. Ce contexte a propulsé sur le devant de la scène politique une figure dont la rhétorique et les propositions rappellent, pour certains, les périodes les plus sombres du pays.

José Antonio Kast : La Montée en Puissance de l'Extrême Droite

Le candidat dont il est question, bien que son nom ne soit pas toujours explicitement prononcé dans les invectives, est José Antonio Kast. Leader du Parti Républicain, ce juriste et ancien député incarne une droite radicale assumée. Sa candidature n'est pas une nouveauté ; il avait déjà marqué les esprits lors de l'élection présidentielle de 2021, où il s'était qualifié pour le second tour face à Gabriel Boric, échouant finalement.

En cette année 2025, son programme s'articule autour de piliers clairs : une main de fer contre la criminalité, une approche libérale intransigeante en matière économique, la défense des valeurs traditionnelles et de la famille, ainsi qu'une politique migratoire drastique. Il promet le retour à l'ordre, la prospérité par la réduction de l'État et le respect des institutions, tout en affichant une admiration non dissimulée pour l'héritage militaire de Pinochet. C'est cette posture, combinée à l'histoire de sa famille – son père, migrant allemand, ayant combattu dans la Wehrmacht durant la Seconde Guerre mondiale – qui lui vaut le qualificatif de « nazi » de la part de ses détracteurs, un terme qu'il rejette avec véhémence, le qualifiant de calomnie et d'instrument de diabolisation.

Un Phénomène Global et Local

La montée de José Antonio Kast s'inscrit dans un mouvement plus large observé dans de nombreuses démocraties mondiales, où les figures d'extrême droite gagnent du terrain sur fond de populisme et de polarisation. Cependant, au Chili, ce phénomène prend une résonance particulière en raison de son passé dictatorial encore récent.

Ses partisans, nombreux et déterminés, voient en lui le seul capable de restaurer la stabilité et l'autorité de l'État. Ils se sentent ignorés par les élites et craignent pour leur sécurité et leur avenir économique. Pour eux, le discours de Kast n'est pas celui d'un nostalgique autoritaire, mais celui d'un homme politique pragmatique et courageux, prêt à prendre les décisions difficiles.

La Pintana : Miroir des Tensions Sociales

L'effervescence électorale est particulièrement visible dans les quartiers populaires de Santiago, comme La Pintana. Cette commune, l'une des plus pauvres de la capitale chilienne, est un baromètre des profondes inégalités sociales qui persistent dans le pays. Ici, les promesses de changement rapide et d'ordre public peuvent trouver un écho inattendu.

Alors que traditionnellement bastion de la gauche, de nombreux habitants de La Pintana se sentent abandonnés par les politiques classiques. Leurs préoccupations sont tangibles : chômage, insécurité galopante due au trafic de drogue et à la criminalité organisée, accès difficile aux services essentiels. Certains, désespérés, envisagent de donner leur voix à Kast, non par adhésion idéologique, mais par un profond sentiment d'exaspération et l'espoir que des mesures radicales puissent enfin améliorer leur quotidien. « Que la gauche ou la droite soit au pouvoir, rien ne change vraiment pour nous », confie une habitante à notre correspondant. « Au moins, lui, il promet de nettoyer tout ça. » D'autres, en revanche, voient dans sa montée une menace directe à leurs acquis sociaux et à la fragile mémoire démocratique.

Les Enjeux d'un Scrutin Historique

L'élection de ce dimanche 15 décembre 2025 n'est pas un scrutin comme les autres. Le choix auquel les Chiliens sont confrontés est d'une portée historique, potentiellement comparable à celui de 2021, mais avec un accent renouvelé sur les cicatrices laissées par la dictature.

  • Démocratie et Institutions : Une présidence Kast pourrait entraîner des réformes institutionnelles visant à renforcer le pouvoir exécutif et à restreindre certaines libertés publiques, soulevant des craintes quant à l'équilibre des pouvoirs.
  • Économie : Ses propositions de réduction drastique de l'État et de privatisation pourraient transformer le modèle économique chilien, avec des conséquences incertaines pour la protection sociale et l'emploi.
  • Droits Humains et Mémoire : Sa position révisionniste sur la dictature de Pinochet et sa réticence à condamner les violations des droits humains sous ce régime sont des points de friction majeurs, ravivant les douleurs du passé.
  • Société : Les questions sociétales (avortement, droits LGBTQ+, immigration) sont au cœur de son programme conservateur, annonçant un possible recul sur des avancées récentes.

Face à lui, le candidat de la coalition de gauche, qui cherche à prolonger l'héritage des réformes initiées sous Boric, peine à rallier l'enthousiasme populaire face à la vague de mécontentement et au désir d'un changement radical, même si c'est vers la droite. La campagne a été marquée par une polarisation intense, où les arguments rationnels cèdent souvent le pas aux émotions et aux anathèmes.

Conclusion : Le Grand Saut vers l'Inconnu ?

Alors que le soleil se couche sur Santiago à la veille du vote, le Chili retient son souffle. Le pays est à un point de bascule. Le « grand saut » que représente cette élection ne renvoie pas seulement à un changement d'administration, mais potentiellement à une réorientation profonde de son identité et de ses valeurs démocratiques. Qu'il soit perçu comme un sauveur par les uns, ou une menace pour la démocratie par les autres, l'ascension de l'extrême droite au Chili en cette fin d'année 2025 est un phénomène qui ne peut être ignoré, un puissant rappel que l'histoire, même après des décennies, continue d'influencer et de façonner le présent et l'avenir d'une nation.

Photo by Abhishek Choudhary on Unsplash

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