Ahmed Laaouej : « Ce qui manquait dans les négociations, c’était du respect » – Le coup de théâtre bruxellois relance l'espoir
Bruxelles, le 12 décembre 2025 – La scène politique bruxelloise, engluée dans une impasse qui a semblé interminable, connaît un coup de théâtre ce jeudi. Après plus de 550 jours de négociations infructueuses pour former un gouvernement régional suite aux élections de juin 2024, une nouvelle dynamique est en marche. Le président des Engagés, Yvan Verougstraete, a pris les devants, annonçant son intention de constituer une coalition restreinte, mais viable, écartant de fait le Mouvement Réformateur (MR) qui portait jusqu'alors la charge de ces laborieuses discussions. Cette initiative audacieuse est accueillie avec un optimisme palpable par Ahmed Laaouej, chef de file du Parti Socialiste (PS) bruxellois, qui n’a pas hésité à pointer du doigt ce qui, selon lui, a cruellement fait défaut : le respect.
Un vent de changement après une attente insoutenable
L'annonce d'Yvan Verougstraete est un véritable pavé dans la mare. Depuis les élections régionales et fédérales de juin 2024, la Région bruxelloise est restée prisonnière d'une paralysie institutionnelle sans précédent. Le MR, fort de son poids électoral, avait été désigné pour mener les consultations, mais ses efforts, étalés sur un an et demi, n'ont abouti à aucune avancée concrète. Les multiples tentatives de former une majorité ont toutes échoué, laissant la capitale européenne dans un état de stagnation politique préoccupant. Cette inertie a non seulement frustré les citoyens, mais a également freiné l'action publique sur des dossiers cruciaux pour l'avenir de la Région.
Face à ce constat d'échec, Yvan Verougstraete, dont la formation Les Engagés cherche à redéfinir son positionnement après sa refonte en 2022, a décidé de prendre les rênes. « Il est temps de sortir de cette impasse. Ce n'est plus tenable pour les Bruxellois », a-t-il déclaré jeudi matin, insistant sur la nécessité d'une coalition « étroite » mais « déterminée » à agir. Sa démarche, qui vise clairement à contourner le MR, représente une rupture stratégique et un pari risqué, mais potentiellement salvateur.
Ahmed Laaouej et la quête du respect
Pour Ahmed Laaouej, la confirmation de cette nouvelle tentative est un soulagement teinté d'une analyse incisive des échecs passés. « Ce qui manquait dans les négociations précédentes, c’était du respect », a-t-il affirmé sans ambages. Cette déclaration choc, prononcée lors d'une interview matinale, résonne comme une critique directe des méthodes et de l'attitude adoptées par les négociateurs du MR, en particulier leur tête de file qui était chargée de la mission de formation.
Selon Laaouej, le respect est une composante essentielle de toute négociation politique constructive. Il ne s'agit pas seulement de courtoisie, mais d'une reconnaissance mutuelle de la légitimité de chaque partenaire, de ses propositions et de ses lignes rouges. Il est sous-entendu que les partenaires potentiels du MR auraient eu le sentiment que leurs revendications étaient minimisées, voire ignorées, ou que la manière de conduire les discussions manquait de considération pour la diversité des visions politiques de la Région. Ce sentiment d'irrespect aurait créé un climat de méfiance, rendant toute avancée impossible.
« Quand on ne respecte pas la parole donnée, les programmes des autres partis, et même la simple décence dans les échanges, comment voulez-vous construire une confiance durable ? » aurait-il laissé entendre à ses proches, selon des sources internes au PS. Cette critique pourrait faire référence à des postures jugées trop rigides, à un manque d'écoute ou à une incapacité à trouver des compromis acceptables par tous, ce qui est le nerf de la guerre en coalition.
La longue et douloureuse genèse d'une crise
Pour bien comprendre la portée de ces déclarations, il est crucial de revenir sur la genèse de cette crise. Les élections de juin 2024 avaient dessiné un paysage politique bruxellois complexe, sans majorité évidente. Le MR, arrivé en tête dans le groupe linguistique francophone, avait logiquement reçu la tâche d'explorer les pistes de coalition. Cependant, les divergences programmatiques et idéologiques avec des partis comme le PS et Ecolo se sont rapidement avérées profondes.
Les 550 jours qui se sont écoulés depuis le scrutin ont été marqués par une série d'échecs. Les mandataires successifs n'ont pas réussi à concilier les exigences du MR en matière de sécurité, de fiscalité ou de gouvernance avec les priorités sociales et environnementales d'autres formations. Le dialogue est apparu, à de nombreuses reprises, comme un dialogue de sourds, chaque parti campant sur ses positions, persuadé de détenir la clé de la solution. La Région, quant à elle, continuait de fonctionner avec un gouvernement en affaires courantes, incapable de prendre des décisions structurantes face aux défis croissants en matière de logement, de mobilité, d'emploi et de transition écologique.
Quelle coalition pour quel avenir ?
La nouvelle donne proposée par Yvan Verougstraete pourrait ouvrir la voie à une coalition axée autour du PS et des Engagés, potentiellement élargie à d'autres formations comme DéFI ou Ecolo, si des compromis significatifs pouvaient être trouvés. Cette configuration, bien que « étroite » en termes de sièges, pourrait offrir une base plus solide, précisément parce qu'elle s'appuierait sur une volonté affichée de respect mutuel et de recherche de consensus. Le succès de cette initiative dépendra de la capacité des partis à mettre de côté les rancœurs passées et à bâtir un programme commun ambitieux et réaliste pour Bruxelles.
Les enjeux sont considérables. Bruxelles, ville-région complexe et multilingue, est confrontée à des défis urbains et sociaux uniques. Un gouvernement stable et réactif est indispensable pour relancer l'économie, améliorer la qualité de vie des habitants, et affirmer le rôle de la capitale européenne sur la scène internationale. La déclaration d'Ahmed Laaouej souligne que, au-delà des chiffres et des programmes, l'ingrédient essentiel à la réussite politique réside souvent dans la qualité des relations humaines et le respect des différences.
Les défis à venir
La route vers un gouvernement bruxellois pleinement opérationnel reste semée d'embûches. La formation d'une coalition sans le MR modifierait profondément l'équilibre politique de la Région. Les partis concernés devront faire preuve de souplesse et de pragmatisme pour surmonter les dernières divergences. Les prochaines semaines seront déterminantes pour savoir si ce nouveau chapitre, initié par Yvan Verougstraete et salué par Ahmed Laaouej, mènera enfin la Région bruxelloise vers la stabilité tant attendue. Le temps presse, et l'impératif de gouverner pour les Bruxellois n'a jamais été aussi criant.