PARIS, FRANCE – Le 5 décembre 2025 – Alors que le monde célébrait il y a quelques jours, le 1er décembre 2025, la Journée mondiale de lutte contre le Sida, l'heure n'était pas uniquement aux bilans optimistes des progrès accomplis. Un avertissement pressant est venu du Conseil national du Sida (CNS), tirant la sonnette d'alarme sur une tendance jugée alarmante : la réduction des financements dans la lutte contre le VIH. Cette diminution des moyens, expliquent ses experts, engendre déjà des difficultés concrètes et fait peser une lourde hypothèque sur l'avenir de la réponse face à l'épidémie.
Un cri d'alarme aux répercussions potentielles dévastatrices
Dans un communiqué percutant diffusé en début de semaine, le CNS a souligné que la baisse des dotations budgétaires pour les programmes de lutte contre le VIH met en péril l'efficacité des stratégies nationales et internationales. Ce recul est d'autant plus préoccupant qu'il intervient à un moment où la science offre des outils de prévention (comme la PrEP, la prophylaxie pré-exposition) et des traitements antirétroviraux d'une efficacité remarquable, permettant aux personnes vivant avec le VIH de mener une vie quasiment normale et non transmettrice.
« Nous ne pouvons pas nous permettre de baisser la garde, » a déclaré le Professeur Élisabeth Dubois, présidente du CNS, lors d'une conférence de presse virtuelle tenue le 2 décembre. « Le VIH n'a pas disparu. Chaque euro retiré aujourd'hui de la prévention ou du dépistage se traduira inévitablement par des coûts humains et financiers bien plus importants demain, sous forme de nouvelles infections et de prises en charge plus lourdes. »
Les causes d'un désengagement préoccupant
Plusieurs facteurs semblent converger pour expliquer cette contraction des budgets. La pression économique persistante suite aux crises successives, notamment la pandémie de COVID-19 qui a drainé une part considérable des ressources de santé publique, est souvent citée. À cela s'ajoute une potentielle « fatigue » des donateurs et des décideurs politiques, après des décennies d'efforts intenses contre le VIH.
Paradoxalement, les succès mêmes de la lutte contre le Sida pourraient être à l'origine de ce relâchement. L'impression, parfois erronée, d'une maladie désormais « sous contrôle » et moins visible publiquement, pourrait inciter à réorienter les priorités budgétaires vers d'autres enjeux de santé ou sociaux. C'est une perception dangereuse pour le CNS, qui rappelle que le virus continue de circuler et d'affecter des populations vulnérables si les mesures de prévention ne sont pas maintenues à un niveau suffisant.
Des impacts concrets sur le terrain
La réduction des financements se traduit par des conséquences directes et immédiates sur la chaîne de riposte au VIH :
- Prévention : Les campagnes de sensibilisation et d'information, cruciales pour les jeunes générations et les populations les plus exposées, sont réduites. L'accès aux outils de prévention (préservatifs, PrEP) peut devenir plus complexe ou moins subventionné, augmentant les risques.
- Dépistage : Les centres de dépistage voient leurs heures d'ouverture diminuer ou leurs moyens logistiques réduits. Cela allonge les délais d'attente, décourage le recours au test et retarde le diagnostic, facteur essentiel pour un traitement précoce et une non-transmission.
- Prise en charge et accompagnement : Les associations qui jouent un rôle fondamental dans l'accompagnement psychosocial, l'aide à l'observance thérapeutique et le soutien aux personnes vivant avec le VIH sont directement impactées. Leurs subventions diminuent, limitant leur capacité d'action.
- Recherche : Moins de financements peuvent également freiner la recherche fondamentale et clinique, essentielle pour développer de nouveaux traitements, des vaccins ou une cure définitive.
« Nous constatons déjà des difficultés à maintenir nos permanences de dépistage mobile et nos actions de terrain dans certaines régions, » témoigne le directeur d'une association de lutte contre le Sida, préférant rester anonyme compte tenu des négociations de subventions en cours. « Les bénévoles sont épuisés, et nous ne pouvons plus répondre à toutes les demandes. C'est une régression inacceptable après tant d'années d'efforts. »
Une dynamique internationale à surveiller
La problématique n'est pas uniquement nationale. À l'échelle mondiale, des institutions majeures comme le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme dépendent des contributions des pays donateurs. Si ces contributions stagnent ou diminuent, les répercussions sont dramatiques, particulièrement dans les pays à revenu faible ou intermédiaire où la prévalence du VIH reste élevée et l'accès aux soins est plus fragile.
L'Organisation Mondiale de la Santé (OMS) et l'ONUSIDA ont, eux aussi, régulièrement alerté sur la nécessité de maintenir, voire d'accroître, l'investissement dans la riposte au VIH pour atteindre les objectifs fixés pour 2030, notamment celui de mettre fin à l'épidémie comme menace de santé publique. Les coupes budgétaires actuelles éloignent dangereusement ces objectifs.
Les risques d'une résurgence de l'épidémie
Le principal danger soulevé par le CNS est celui d'une résurgence de l'épidémie. L'histoire a montré que le relâchement des efforts dans la lutte contre les maladies infectieuses peut avoir des conséquences dévastatrices. Moins de prévention signifie plus de nouvelles infections. Moins de dépistage signifie plus de diagnostics tardifs et de transmissions involontaires. Moins de soutien signifie une précarisation des personnes séropositives et un risque accru d'interruption de traitement.
Dans un contexte où de nouvelles formes de vulnérabilité apparaissent, et où la stigmatisation autour du VIH n'a pas totalement disparu, il est impératif de ne pas envoyer un signal de désengagement. Cela pourrait éroder la confiance des populations et saper des décennies de travail acharné pour normaliser la vie avec le VIH et réduire les discriminations.
Appel à un engagement renouvelé
Alors que l'année 2025 touche à sa fin, l'alerte du Conseil national du Sida résonne comme un appel à la responsabilité. La lutte contre le VIH/Sida est une réussite collective, fruit d'une mobilisation sans précédent de la science, des pouvoirs publics, des associations et de la société civile. Abandonner cet effort, ou même le réduire de manière significative, serait une erreur historique aux conséquences irréversibles.
Le CNS exhorte les gouvernements et les partenaires internationaux à réévaluer leurs engagements financiers, à reconnaître la pérennité de la menace et à consolider les acquis. La fin de l'épidémie est à portée de main, mais elle ne pourra être atteinte qu'à condition d'une volonté politique forte et d'un investissement soutenu et ininterrompu. La vigilance reste le maître mot pour éviter que la journée du 1er décembre 2026 ne soit pas celle d'un bilan bien plus sombre.