Le scandale « Toutankhamon » : Quand la dénonciation mène au licenciement
Bruxelles, 3 décembre 2025 – L'affaire secoue les milieux de la justice, de l'art et de l'administration publique belge. Un agent de l'Inspection économique, également officier de police judiciaire (OPJ), a été officiellement licencié par le Service Public Fédéral (SPF) Économie. L'homme, qui avait choisi le pseudonyme évocateur de « Toutankhamon » pour protéger son identité, est sanctionné pour avoir publié un ouvrage dénonçant avec force les escroqueries et les malversations au sein du marché de l'art en Belgique. Une décision qui, révélée initialement par la RTBF, met en lumière la tension persistante entre le devoir de réserve d'un fonctionnaire et l'intérêt public à la transparence.
« Toutankhamon » : Un nom, une mission, une chute
L'agent en question, dont l'identité réelle n'a pas été divulguée par le SPF Économie, opérait sous le pseudonyme de « Toutankhamon » – un choix lourd de sens, évoquant les trésors cachés et les mystères révélés, souvent après des siècles de silence. Son rôle au sein de l'Inspection économique et en tant qu'officier de police judiciaire lui conférait une connaissance intime des mécanismes complexes et parfois opaques du marché de l'art. C'est fort de cette expertise acquise sur le terrain qu'il a rédigé l'ouvrage controversé, dont le titre complet serait : « Les secrets du marché de l’art en Belgique : enquêtes sur les escroqueries, les fraudes et les blanchiments ». Publié il y a quelques mois, fin 2024 ou début 2025, le livre avait déjà fait grand bruit, promettant de lever le voile sur des pratiques longtemps restées dans l'ombre.
Selon des sources proches du dossier, « Toutankhamon » aurait agi par conviction profonde, estimant qu'il était de son devoir de citoyen et d'expert de révéler au grand jour des pratiques préjudiciables à la réputation de la Belgique et aux consommateurs. Son objectif affiché était de contribuer à un assainissement du marché, d'alerter les acheteurs potentiels et de pousser les autorités à agir plus fermement.
Le livre : Une plongée audacieuse dans les profondeurs du marché de l'art
L'ouvrage de « Toutankhamon » ne se contente pas d'effleurer la surface. Il s'apparente à une véritable autopsie des dysfonctionnements du marché de l'art belge, riche en anecdotes, en témoignages anonymes et en analyses détaillées basées sur son expérience professionnelle. Parmi les problématiques abordées, on retrouverait des sujets sensibles tels que :
- Les faux et les contrefaçons : Comment de fausses œuvres d'art se retrouvent-elles sur le marché et comment les arnaques sont-elles orchestrées ?
- Les problèmes de provenance : Le flou entourant l'origine de certaines œuvres, notamment celles issues de pillages ou de trafics illicites.
- Les manipulations des prix : Des arrangements entre galeristes ou intermédiaires pour gonfler artificiellement la valeur d'œuvres.
- Le blanchiment d'argent : L'utilisation du marché de l'art comme vecteur pour recycler des fonds illégaux, une préoccupation majeure des autorités financières.
- La fraude fiscale : Les mécanismes d'évasion fiscale via les transactions d'œuvres d'art.
La publication du livre avait déjà suscité des réactions diverses. Si certains saluaient le courage de l'auteur et la nécessité d'une telle transparence, d'autres craignaient des répercussions négatives sur un marché déjà fragile, et surtout, pointaient du doigt la violation potentielle du secret professionnel.
La position du SPF Économie : Devoir de réserve contre liberté d'expression
La décision de licenciement, tombée début décembre 2025, est le résultat d'une procédure disciplinaire enclenchée peu après la parution du livre. Le SPF Économie a invoqué plusieurs motifs pour justifier cette sanction radicale :
- Violation du devoir de réserve : En tant que fonctionnaire et officier de police judiciaire, « Toutankhamon » était tenu à un strict devoir de réserve, notamment concernant les informations acquises dans l'exercice de ses fonctions.
- Divulgation d'informations sensibles : Même si l'auteur affirmait avoir anonymisé les faits, la nature précise des enquêtes et des mécanismes de fraude décrits pourrait potentiellement compromettre des investigations en cours ou futures, et identifier des méthodes de travail de l'Inspection.
- Atteinte à la confiance et à l'image de l'institution : Le SPF Économie estime que la publication d'un tel ouvrage par l'un de ses agents, sans autorisation hiérarchique, porte atteinte à l'intégrité et à la crédibilité de l'institution.
Pour le SPF Économie, la ligne rouge a été franchie. Un haut fonctionnaire, s'exprimant sous couvert d'anonymat, a déclaré à EuroMK News : « La lutte contre la fraude est notre mission première. Mais elle doit se faire dans le respect des cadres légaux et éthiques. Un agent ne peut pas se substituer à la justice ou à la hiérarchie pour dénoncer des faits, aussi légitimes que puissent paraître ses intentions. C'est la garantie de l'impartialité et de l'efficacité de nos actions qui est en jeu. »
Un débat national sur les lanceurs d'alerte et la protection des fonctionnaires
Ce licenciement relance le débat, crucial en Belgique comme ailleurs en Europe, sur le statut et la protection des lanceurs d'alerte. D'un côté, il y a la nécessité pour les administrations de fonctionner avec discipline et discrétion pour mener à bien leurs missions. De l'autre, la conviction grandissante que les « insiders » peuvent jouer un rôle essentiel dans la révélation de scandales et la promotion de la bonne gouvernance.
Plusieurs associations de défense de la liberté de la presse et des droits des fonctionnaires se sont déjà manifestées pour soutenir « Toutankhamon ». Elles estiment que cette décision est disproportionnée et qu'elle envoie un signal négatif à tous ceux qui, au sein des administrations, seraient tentés de dénoncer des malversations d'intérêt public. Elles appellent à une meilleure protection des lanceurs d'alerte, conformément aux directives européennes adoptées en la matière, et à une réévaluation des cadres juridiques nationaux.
Des voix s'élèvent également au sein du Parlement fédéral, notamment de l'opposition, pour questionner la sévérité de la sanction et l'équilibre entre la protection des institutions et la promotion de la transparence. La ministre de l'Économie, sollicitée pour une réaction, a indiqué que le SPF Économie a agi dans le respect du cadre légal et qu'il s'agissait d'une décision administrative interne. Elle a néanmoins souligné l'importance de la lutte contre la fraude dans le marché de l'art et a réaffirmé l'engagement du gouvernement à renforcer les moyens de contrôle.
Quelles sont les prochaines étapes ?
« Toutankhamon » a la possibilité de contester son licenciement devant le Conseil d'État, une démarche qui pourrait transformer ce dossier en une véritable bataille juridique. Ses avocats devraient arguer que l'intérêt général prime sur le devoir de réserve dans ce cas précis, et que leur client a agi de bonne foi pour le bien public.
En attendant l'issue de cette procédure, l'affaire « Toutankhamon » continuera d'alimenter les conversations. Elle pose la question fondamentale : les institutions peuvent-elles s'autocorriger efficacement, ou est-ce que la vigilance citoyenne, même venant de l'intérieur, est parfois nécessaire pour garantir l'intégrité et la transparence ? Le marché de l'art belge, quant à lui, est désormais sous les feux des projecteurs, contraint d'affronter les révélations de cet agent pas comme les autres.