Le Conseil Supérieur de la Santé trace une ligne claire en décembre 2025
En cette fin d'année 2025, le débat sur l'impact des écrans et des réseaux sociaux sur la santé mentale et le développement des enfants atteint un nouveau palier avec la publication des recommandations du Conseil supérieur de la santé (CSS). Ces directives, fruit d'une « analyse plus nuancée de la littérature scientifique », se distinguent par leur approche mesurée, en contraste avec des positions plus radicales adoptées ou envisagées dans certains pays voisins au cours des années précédentes. Le point central : une ferme interdiction des réseaux sociaux pour les moins de 13 ans, mais un refus catégorique d'interdire le smartphone en lui-même pour cette même tranche d'âge. Une distinction qui soulève des questions, mais que le CSS justifie par des arguments fondés.
Pourquoi une interdiction ciblée des réseaux sociaux avant 13 ans ?
La recommandation du CSS de proscrire l'accès aux réseaux sociaux pour les enfants de moins de 13 ans n'est pas anodine. Elle s'appuie sur un consensus croissant au sein de la communauté scientifique, que l'institution a méticuleusement examiné. Plusieurs facteurs clés justifient cette position :
- Vulnérabilité psychologique : Les enfants de moins de 13 ans sont encore en pleine construction identitaire. L'exposition aux pressions sociales, à la quête de validation par les « likes », et à la comparaison constante, inhérentes aux réseaux sociaux, peut gravement affecter leur estime de soi, favoriser l'anxiété et la dépression, et même contribuer à des troubles alimentaires. Des études longitudinales, dont certaines ont été actualisées en 2024 et 2025, ont confirmé la corrélation entre une exposition précoce et intensive et une augmentation des troubles psychiques.
- Développement cérébral : Le cerveau des pré-adolescents n'est pas encore mature pour gérer la complexité et la surcharge informationnelle des plateformes. Le cortex préfrontal, responsable de la prise de décision, du jugement et de la régulation émotionnelle, continue son développement jusqu'à l'âge adulte. L'accès illimité aux contenus souvent filtrés et irréalistes des réseaux sociaux peut perturber cette maturation, fausser la perception de la réalité et entraîner une difficulté à distinguer le réel du virtuel.
- Exposition aux contenus inappropriés et cyberharcèlement : Malgré les efforts de modération, les enfants peuvent être exposés à des contenus violents, sexuellement explicites, ou pro-anorexie, qui sont inadaptés à leur âge. Le risque de cyberharcèlement est également considérablement accru sur ces plateformes, avec des conséquences potentiellement dévastatrices sur le bien-être de l'enfant.
- Troubles du sommeil et concentration : L'usage des réseaux sociaux, souvent jusque tard dans la nuit, est directement lié à des troubles du sommeil chez les jeunes, affectant leur concentration et leurs performances scolaires. La lumière bleue des écrans et la stimulation cognitive intense empêchent l'endormissement et altèrent la qualité du repos.
Le seuil de 13 ans n'est pas arbitraire. Il est souvent en ligne avec les âges minimums légaux ou recommandés par les plateformes elles-mêmes (bien que souvent contournés) et correspond à une étape où l'enfant est censé développer une plus grande maturité cognitive et émotionnelle, lui permettant de naviguer de manière plus critique dans l'environnement numérique.
La nuance du smartphone : un outil, pas une menace intrinsèque
Alors pourquoi le CSS, si ferme sur les réseaux sociaux, ne préconise-t-il pas une interdiction similaire pour le smartphone lui-même ? La réponse réside dans la distinction fondamentale entre le *support* et le *contenu*. Le Conseil met en lumière que le smartphone, en tant qu'appareil, est avant tout un outil polyvalent, dont l'utilité ne se réduit pas à l'accès aux réseaux sociaux.
- Un outil de communication et de sécurité : Pour de nombreux parents, le smartphone est un moyen essentiel de rester en contact avec leur enfant, notamment lors des trajets scolaires ou des activités extra-scolaires. Il offre une certaine tranquillité d'esprit en cas d'urgence.
- Accès à l'éducation et à l'information : Loin des plateformes addictives, le smartphone peut être utilisé pour des applications éducatives, des recherches scolaires, l'accès à des livres numériques ou des contenus culturels enrichissants. Il peut favoriser le développement de compétences numériques essentielles pour le monde de demain.
- Développement de la littératie numérique : Bannir totalement le smartphone reviendrait à priver les enfants d'une opportunité d'apprendre à interagir de manière responsable avec la technologie. Sous supervision parentale, l'utilisation du smartphone peut être une première étape vers l'acquisition d'une littératie numérique, indispensable à l'ère du tout connecté.
- La difficulté d'une interdiction coercitive : Interdire un appareil entier est logistiquement complexe et pourrait créer un sentiment de frustration ou d'exclusion chez l'enfant, le poussant à contourner la règle par d'autres moyens. Le CSS préfère une approche axée sur le contrôle des usages plutôt que sur l'élimination de l'outil.
Les recommandations du CSS de décembre 2025 insistent donc sur la responsabilité parentale. Les smartphones ne sont pas intrinsèquement nocifs ; c'est l'utilisation qui en est faite qui détermine leur impact. Le Conseil encourage les parents à configurer des contrôles parentaux robustes, à limiter le temps d'écran, à définir des règles claires sur le type de contenu accessible, et surtout, à dialoguer avec leurs enfants sur les bonnes pratiques numériques.
Une approche mesurée et pragmatique
Cette position du Conseil supérieur de la santé reflète une volonté d'éviter les réactions épidermiques et de s'ancrer dans la réalité complexe de la vie numérique des enfants. Plutôt qu'une diabolisation systématique de la technologie, elle propose une gestion éclairée des risques, distinguant les dangers avérés des outils qui, bien utilisés, peuvent s'avérer bénéfiques.
En décembre 2025, alors que les politiques publiques tentent de trouver un équilibre entre protection des mineurs et adaptation à l'évolution technologique, l'approche belge se veut pragmatique. Elle reconnaît la nécessité de protéger la santé mentale et le développement cognitif des jeunes face aux dangers des réseaux sociaux, tout en préparant les enfants à évoluer dans un monde où le smartphone est un composant inévitable de la vie quotidienne. Le défi réside désormais dans la mise en œuvre de ces recommandations, qui exigera une collaboration étroite entre les parents, les éducateurs et les plateformes numériques elles-mêmes, pour s'assurer que l'interdiction des réseaux sociaux soit effective et que l'usage du smartphone soit encadré de manière saine et constructive.