Bruxelles, le 10 décembre 2025 – Il y a trois ans, une opération policière d'une ampleur inédite à Bruxelles jetait une ombre dense sur les couloirs du Parlement européen. Des interpellations spectaculaires, des saisies d'argent liquide et des accusations de corruption impliquant des eurodéputés et des figures d'ONG liées au Qatar et au Maroc marquaient le début du scandale connu sous le nom de « Qatargate ». Aujourd'hui, en ce mois de décembre 2025, alors que le dossier approche d'un point de bascule judiciaire, la cour d’appel de Bruxelles se trouve au centre d'une controverse majeure, examinant la légalité et l'impartialité de l'enquête elle-même.
Des révélations troublantes sur l'enquête belge
Selon des éléments consultés par nos confrères de *Libération*, et confirmés par nos propres investigations, l'instruction menée par la justice belge aurait été entachée de sérieuses irrégularités. Les avocats de la défense n'ont cessé de pointer du doigt ce qu'ils qualifient de « violations flagrantes de l'état de droit » et de « défaillances procédurales ». Des préoccupations qui sont désormais sur la table de la cour d'appel, chargée de statuer sur le respect des garanties fondamentales lors des investigations initiales.
Des « fuites à gogo » qui ont sapé la présomption d'innocence
L'une des critiques les plus virulentes concerne l'omniprésence de « fuites à gogo » dans les médias dès les premières heures de l'affaire. Des détails d'enquêtes, des noms de suspects, voire des éléments de preuves non encore validés par la justice, ont été régulièrement diffusés, créant un climat de procès public avant même toute décision formelle. Ces révélations prématurées ont, selon de nombreux observateurs juridiques, gravement compromis la présomption d'innocence des personnes mises en cause et potentiellement influencé l'opinion publique de manière irréversible. « Il est inacceptable que des éléments d'un dossier sous secret de l'instruction se retrouvent systématiquement sur la place publique avant même que les avocats de la défense n'y aient eu accès », a déclaré une source judiciaire proche du dossier à EuroMK News, sous couvert d'anonymat. Ces fuites, dont l'origine reste à déterminer, soulèvent des questions fondamentales sur le contrôle des informations sensibles au sein des services d'enquête et judiciaires.
Une instruction « menée à charge » et potentiellement partiale
Plus grave encore, les éléments du dossier consultés par *Libération* et corroborés par nos informations suggèrent que l'instruction aurait été « menée à charge ». Cela signifie que l'enquête se serait concentrée sur la collecte d'éléments incriminants, négligeant ou minimisant activement les pistes pouvant potentiellement disculper les suspects. Cette approche unilatérale remettrait en question l'impartialité essentielle d'une instruction judiciaire, dont le rôle est précisément de rechercher la vérité dans toutes ses dimensions, qu'elle soit à charge ou à décharge.
- Absence de contre-expertises : Des demandes de la défense pour des expertises complémentaires ou des vérifications de certaines preuves n'auraient pas été prises en compte de manière équitable.
- Interrogatoires sélectifs : Des témoignages cruciaux auraient été orientés ou des témoins clés n'auraient pas été entendus de manière approfondie s'ils ne servaient pas la thèse de l'accusation.
- Accès limité aux éléments : Les avocats se seraient plaints d'un accès incomplet ou tardif à des pièces essentielles du dossier, entravant leur capacité à construire une défense solide.
Ces allégations sont particulièrement préoccupantes car elles touchent au cœur du principe d'un procès équitable, un pilier de l'État de droit. Si elles étaient avérées, elles pourraient entraîner des conséquences dévastatrices pour la procédure judiciaire en cours.
Les enjeux capitaux devant la Cour d'Appel de Bruxelles
C'est dans ce contexte lourd de questions que la cour d'appel de Bruxelles examine, en ce mois de décembre 2025, la légalité de l'enquête. L'enjeu est immense : elle doit déterminer si les droits fondamentaux des accusés ont été respectés et si l'enquête a été menée conformément aux principes de l'État de droit. Les décisions de cette cour pourraient avoir plusieurs répercussions majeures :
- Annulation de preuves : Si la cour estime que certaines preuves ont été obtenues de manière illégale ou que des procédures essentielles ont été viciées, elle pourrait décider de les annuler, rendant leur utilisation impossible lors d'un éventuel procès.
- Nullité de la procédure : Dans les cas les plus extrêmes, si des violations systémiques et profondes étaient constatées, la cour pourrait prononcer la nullité de l'ensemble de la procédure, forçant potentiellement le ministère public à repartir de zéro, voire à abandonner certaines poursuites.
- Impact sur l'image judiciaire : Au-delà du dossier « Qatargate », l'intégrité de la justice belge et son respect des procédures démocratiques sont en jeu.
Pour l'heure, le secret de l'instruction prévaut, mais l'attente est palpable. Les avocats de la défense espèrent que la cour d'appel reconnaîtra la gravité des atteintes à l'état de droit qu'ils dénoncent depuis des mois. Le parquet fédéral, quant à lui, défend la régularité de son enquête, arguant de la complexité du dossier et de la nécessité d'agir avec fermeté face à des allégations de corruption aussi sérieuses.
Un Parlement européen toujours sous le choc
Au Parlement européen, les nouvelles révélations et l'examen par la cour d'appel ravivent les plaies d'un scandale qui n'a jamais vraiment cicatrisé. Si l'institution a pris des mesures pour renforcer ses règles d'éthique et de transparence depuis décembre 2022, la persistance des doutes sur la probité de l'enquête elle-même ajoute une nouvelle couche de discrédit. « Il est crucial que toute lumière soit faite, non seulement sur les faits de corruption présumés, mais aussi sur la manière dont la justice a opéré », a déclaré un porte-parole du Parlement européen à EuroMK News, insistant sur l'importance d'un procès juste et équitable pour toutes les parties.
Le « Qatargate », initialement perçu comme un signal fort de la détermination des autorités à lutter contre la corruption au sein des institutions européennes, pourrait donc se transformer en un cas d'étude sur les dérives potentielles d'une enquête judiciaire, si les allégations de *Libération* sont confirmées par la cour d'appel. La décision attendue dans les prochaines semaines déterminera non seulement l'avenir judiciaire des accusés, mais aussi la confiance dans les mécanismes de justice et de transparence au cœur de l'Union européenne.