Une onde de choc au Siège de l'ONU : 2600 emplois sur la sellette
Une onde de choc parcourt les couloirs du Siège des Nations unies à New York en ce début de décembre 2025. Le Secrétaire général, António Guterres, a soumis une proposition de restructuration radicale qui prévoit la suppression de 18% des emplois au sein de l'organisation mondiale. Ce sont plus de 2600 postes qui sont ainsi menacés, une décision drastique qui intervient alors que l'ONU célèbre ses 80 ans et se débat avec une crise financière persistante. L'information, initialement rapportée par la RTBF, a rapidement fait le tour des chancelleries et des médias internationaux, soulevant des interrogations cruciales sur l'avenir de la principale institution multilatérale.
Cette initiative, présentée comme un impératif d'efficacité et une mesure de réduction des coûts, marque un tournant potentiellement historique pour l'organisation fondée en 1945. António Guterres, à la tête de l'ONU depuis 2017, n'a cessé de plaider pour une réforme profonde, mais l'ampleur de la réduction proposée témoigne de la gravité de la situation et de la pression croissante sur les ressources de l'institution.
Une crise financière endémique, aggravée par les arriérés américains
Au cœur de cette restructuration forcée se trouve une crise financière chronique, largement exacerbée par les arriérés de paiement de plusieurs États membres. Les États-Unis, traditionnellement le principal contributeur au budget régulier et aux opérations de maintien de la paix de l'ONU, sont particulièrement montrés du doigt. En date de novembre 2025, les arriérés américains se montent à plusieurs milliards de dollars – une dette qui pèse lourdement sur la capacité de l'organisation à remplir ses mandats essentiels. Les estimations internes à l'ONU chiffraient ces arriérés à environ 2,8 milliards de dollars, englobant les budgets réguliers et les missions de maintien de la paix, une somme colossale qui étrangle littéralement les finances de l'organisation.
Cette situation n'est pas nouvelle. M. Guterres a régulièrement alerté les États membres sur la précarité des finances de l'ONU, déjà en 2019, 2021 et plus récemment en 2023, signalant des difficultés de trésorerie sans précédent. Les retards de paiement forcent l'organisation à reporter des programmes vitaux, à limiter ses opérations et à puiser dans ses réserves, quand elles existent encore. L'impact est direct sur les missions humanitaires, les efforts de développement, la promotion des droits humains et les opérations de maintien de la paix, souvent déployées dans des contextes de crise aiguë.
La célébration des 80 ans de l'ONU en 2025 aurait dû être un moment de réflexion et de réaffirmation de ses principes fondateurs. Au lieu de cela, elle est éclipsée par cette décision douloureuse, rappelant la fragilité du système multilatéral face aux réalités économiques et politiques des États membres.
L'impératif d'efficacité : la vision de Guterres pour une ONU renouvelée
Depuis le début de son mandat, António Guterres a fait de la réforme de l'ONU une priorité. Sa vision est celle d'une organisation plus agile, plus efficace, plus transparente et mieux adaptée aux défis complexes du 21e siècle. Il a souvent souligné la nécessité de rationaliser les structures, d'optimiser les processus et d'éliminer les doublons pour garantir que chaque dollar dépensé serve au mieux la mission des Nations unies.
« Nous avons terminé notre cycle de réformes, qui, je crois, a été très positif pour l'organisation, pour la rendre plus efficace, plus agile, mieux préparée à relever les défis complexes du monde », aurait déclaré Guterres en substance, selon la RTBF. Cependant, la proposition actuelle va bien au-delà des ajustements structurels initialement envisagés. Elle suggère que les réformes précédentes, bien que louables, n'ont pas suffi à endiguer la crise financière et à moderniser suffisamment l'appareil onusien.
La suppression de 18% des postes est présentée comme une étape inévitable pour garantir la viabilité à long terme de l'organisation. L'objectif est de libérer des ressources pour les réorienter vers les programmes prioritaires et d'assurer que l'ONU puisse continuer à jouer un rôle de leadership dans un monde de plus en plus fragmenté et confronté à des crises multiples, du changement climatique aux conflits armés, en passant par les pandémies et les inégalités croissantes.
Détails et implications humaines des coupes budgétaires
Le plan de Guterres ciblerait principalement les postes administratifs, les fonctions de support et certaines activités jugées moins directement liées aux mandats centraux de l'ONU. Si les détails précis des départements ou des agences qui seront les plus affectés n'ont pas encore été rendus publics, l'incertitude plane déjà lourdement sur l'ensemble du personnel. Les 2600 postes représentent une part significative des effectifs du Secrétariat et des agences associées, et leur suppression aura des répercussions profondes.
Sur le plan humain, l'annonce crée une anxiété considérable. Pour de nombreux employés, qui ont souvent consacré des décennies à la fonction publique internationale, cette mesure est vécue comme un coup dur. Des syndicats du personnel de l'ONU ont déjà exprimé leur vive préoccupation quant au moral des troupes et à la perte potentielle de compétences et d'expertise institutionnelle accumulées sur de longues années. La question des mesures d'accompagnement – indemnités de départ, programmes de reconversion, assistance psychologique – sera cruciale pour gérer cette transition délicate.
Le processus de consultation avec les États membres devrait débuter dès ce mois de décembre 2025, avec une mise en œuvre prévue progressivement au cours de l'année 2026. L'approbation de l'Assemblée Générale sera nécessaire, promettant des débats intenses et potentiellement houleux alors que les délégations pèseront les avantages de la rationalisation contre les risques d'affaiblissement des capacités opérationnelles de l'ONU.
Réactions et perspectives : entre soutien à la réforme et inquiétudes
Les réactions des États membres sont d'ores et déjà mitigées. L'administration américaine, qui a longtemps appelé à une plus grande efficacité et à une meilleure utilisation des fonds à l'ONU, pourrait y voir une validation de ses positions et une condition pour honorer ses engagements financiers. D'autres contributeurs majeurs, notamment au sein de l'Union européenne, pourraient également soutenir l'initiative si elle mène réellement à une amélioration de la performance.
Cependant, de nombreux pays en développement et des groupes régionaux comme le G77, qui dépendent fortement des programmes d'aide et de développement de l'ONU, pourraient exprimer de sérieuses inquiétudes. Ils craignent que des coupes aussi importantes ne réduisent la capacité de l'organisation à fournir une assistance vitale et à soutenir les objectifs de développement durable (ODD) dans les régions les plus vulnérables du monde. Des experts de la société civile et des universitaires ont également mis en garde contre le risque de vider l'ONU de sa substance, la rendant moins capable d'aborder les défis mondiaux croissants à un moment où le multilatéralisme est plus que jamais nécessaire.
Un défi existentiel pour l'avenir du multilatéralisme
La proposition de Guterres place l'ONU à un carrefour critique. À l'aube de son 80e anniversaire, l'organisation se retrouve face à un défi existentiel : comment concilier la nécessité d'une gestion financière rigoureuse avec l'impératif de répondre à des crises mondiales de plus en plus complexes et interconnectées ? C'est un dilemme profond qui teste la volonté des États membres de soutenir, financièrement et politiquement, l'instrument qu'ils ont créé pour maintenir la paix et promouvoir la coopération internationale.
La capacité de l'ONU à maintenir la paix, à promouvoir le développement durable, à défendre les droits humains et à coordonner la réponse aux crises sanitaires et climatiques pourrait être mise à rude épreuve par ces réductions d'effectifs. La décision finale des États membres sur cette proposition de restructuration radicale façonnera non seulement l'avenir de l'ONU pour les décennies à venir, mais aussi la trajectoire même du multilatéralisme à une époque où le besoin de coopération globale n'a jamais été aussi pressant. C'est un pari audacieux, voire risqué, que lance António Guterres, mais il témoigne de l'urgence de la situation et de la conviction que l'inaction n'est plus une option.