Quand la Liberté d'Expression a un Prix à Liège : Un Débat Brûlant en Décembre 2025
Liège, la Cité ardente, se trouve au cœur d'un débat national passionnant en ce début de décembre 2025. Une mesure administrative, mise en place par la municipalité plus tôt cette année, soulève des questions fondamentales sur l'exercice des droits civiques : les organisateurs de manifestations se voient imposer une redevance de 55 euros. Cette pratique, perçue par beaucoup comme une entrave à la liberté d'expression et de rassemblement, est vivement dénoncée par l'élue du Parti du Travail de Belgique (PTB), Sofia Touhami, qui y voit une dérive « grave » et antidémocratique.
L'information, initialement rapportée par des médias comme DHnet il y a près d'un an et dont les répercussions sont aujourd'hui pleinement ressenties, est revenue sur le devant de la scène politique liégeoise. En 2025, la mesure est désormais bien ancrée et ses effets concrets sur la capacité des citoyens et associations à s'exprimer dans l'espace public sont pointés du doigt. EuroMK News examine les tenants et aboutissants de cette controverse qui agite la scène politique et civile belge.
La Redevance Administrative de 55€ : Détails et Contexte de sa Mise en Place
Introduite par l'administration communale liégeoise au cours du premier trimestre de 2025, cette redevance de 55 euros est exigée des organisateurs de tout rassemblement public déclaré. Son objectif affiché, selon la Ville, est de couvrir les frais administratifs liés au traitement des dossiers de demande d'autorisation, à la coordination des services de sécurité et d'ordre public, et potentiellement aux coûts de nettoyage post-manifestation. Il ne s'agit pas d'une caution, mais bien d'un coût fixe à fonds perdus, quelle que soit l'ampleur ou la nature de la manifestation.
Cette somme, bien que modeste pour de grandes organisations dotées de budgets conséquents, peut représenter un véritable obstacle pour les petites associations, les collectifs citoyens spontanés, les mouvements étudiants ou les initiatives locales qui souhaitent faire entendre leur voix. C'est précisément cette barrière financière à l'entrée que dénonce le PTB et un nombre croissant d'organisations de défense des droits humains.
Sofia Touhami (PTB) : « Payer pour user de sa liberté d'expression, une dérive grave »
Sofia Touhami, conseillère communale PTB à Liège, est en première ligne de l'opposition à cette redevance. Interrogée par EuroMK News en ce début décembre 2025, elle n'a pas mâché ses mots : « Payer pour user de sa liberté d'expression est une dérive grave et profondément antidémocratique. C'est inacceptable dans un État de droit. » Pour l'élue, cette mesure frappe au cœur même des principes fondamentaux qui régissent notre société.
Elle met en lumière plusieurs arguments clés :
- Une entrave aux droits fondamentaux : La liberté de manifester et de s'assembler pacifiquement est un droit constitutionnel et conventionnel (Convention européenne des droits de l'homme). Lui associer un coût, même minime, revient à le monnayer et à en restreindre l'accès.
- Une inégalité d'accès : Les groupes les moins structurés, les plus jeunes ou les plus précaires sont disproportionnellement affectés. Cela favorise les grandes organisations bien établies au détriment des mouvements citoyens émergents ou des causes moins médiatisées.
- Un « effet paralysant » (chilling effect) : La crainte de devoir payer peut dissuader des citoyens ou des collectifs de s'organiser, même pour des causes légitimes et urgentes. Cela réduit la pluralité des voix dans l'espace public.
- Le rôle de l'État : Le coût de l'organisation de l'ordre public et de la garantie des droits doit être supporté par la collectivité, non par ceux qui exercent un droit fondamental.
« Liège, ville de tradition ouvrière et progressiste, ne peut pas se permettre d'être la pionnière d'une telle régression démocratique », a ajouté Sofia Touhami, appelant la majorité communale à reconsidérer sa position.
Le Cadre Légal et Constitutionnel : Un Droit Fondamental
La liberté de manifester est garantie par l'article 19 de la Constitution belge, qui stipule que « Les Belges ont le droit de s'assembler paisiblement et sans armes, en se conformant aux lois qui peuvent régler l'exercice de ce droit, sans néanmoins le soumettre à une autorisation préalable. » De plus, l'article 11 de la Convention européenne des droits de l'homme protège la liberté de réunion pacifique et la liberté d'association.
Certes, ces droits ne sont pas absolus et peuvent être soumis à des restrictions nécessaires à la protection de l'ordre public, de la sécurité, de la santé ou de la morale publiques, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. Cependant, la jurisprudence tant belge qu'européenne a toujours été très stricte sur la proportionnalité de ces restrictions. Imposer une redevance forfaitaire, indépendante du caractère potentiellement perturbateur ou non d'une manifestation, est une pratique qui pourrait être jugée excessive et discriminatoire.
Plusieurs juristes spécialisés en droit public et libertés fondamentales, consultés par EuroMK News, ont exprimé leurs doutes quant à la légalité de cette redevance. « Le fait de conditionner l'exercice d'un droit fondamental à un paiement, même de faible montant, est problématique. Cela s'apparente à une taxe sur la démocratie et pourrait être contesté devant le Conseil d'État », estime Maître Dubois, avocat au barreau de Bruxelles.
Les Justifications de la Ville de Liège : Entre Ordre Public et Contraintes Budgétaires
Contactée pour obtenir les motivations de cette décision, la Ville de Liège, par la voix de son porte-parole, a réaffirmé en ce début décembre 2025 que la redevance n'avait pas pour but de décourager la participation citoyenne. « Il s'agit d'une mesure de rationalisation administrative et de participation aux frais. L'organisation d'une manifestation, même pacifique, engendre des coûts pour la collectivité : mobilisation des forces de l'ordre, gestion du trafic, nettoyage, déploiement de personnel communal », explique le service de communication.
La Ville met en avant un contexte de pression budgétaire croissante sur les finances communales, où chaque euro compte. La redevance serait donc une manière, selon la majorité en place, de faire contribuer les organisateurs, même symboliquement, à la prise en charge des coûts indirects générés. Elle insiste sur le fait que la somme de 55 euros a été calibrée pour être un minimum afin de ne pas être excessivement dissuasive, mais suffisante pour marquer une contribution.
Cependant, les critiques arguent que les coûts de la démocratie et de la garantie des libertés publiques devraient être assumés par la fiscalité générale et non pas faire l'objet d'un paiement spécifique par les usagers des droits. La liberté d'expression n'est pas un service payant.
Impact sur la Société Civile et les Mouvements Citoyens
L'impact de cette redevance sur la vitalité démocratique de Liège est une préoccupation majeure. Les petites associations, qui souvent fonctionnent avec des budgets très limités ou dépendent entièrement du bénévolat, se retrouvent face à un dilemme. Un mouvement de quartier s'opposant à un projet urbanistique controversé, un collectif d'étudiants souhaitant alerter sur une réforme éducative, ou une association culturelle manifestant pour la reconnaissance de ses droits, pourraient hésiter avant d'organiser une action publique.
« Pour nous, 55 euros, c'est le budget de plusieurs semaines pour nos tracts ou notre matériel de sensibilisation. Ça nous oblige à choisir entre payer la redevance ou renoncer à d'autres actions essentielles », témoigne le représentant d'un collectif environnemental liégeois, qui a déjà dû débourser la somme pour une marche pacifique en octobre 2025.
Réactions Politiques et Perspectives d'Avenir
Le débat autour de cette redevance est loin d'être clos. Au-delà du PTB, d'autres formations politiques à Liège ont exprimé des réserves, invitant à une réévaluation de la mesure. Des appels sont lancés pour un débat approfondi au sein du conseil communal de Liège, afin de discuter de l'opportunité et de la légalité de cette pratique. Des organisations non gouvernementales de défense des droits civiques ont également annoncé leur intention de surveiller l'évolution de la situation et n'excluent pas la possibilité d'actions en justice si la mesure est maintenue.
L'enjeu va au-delà des 55 euros. Il s'agit de la conception même de la démocratie participative et de la place de la liberté d'expression dans notre société. La décision de Liège pourrait potentiellement créer un précédent que d'autres communes belges, confrontées à des défis budgétaires similaires, pourraient être tentées d'imiter.
Conclusion : Un Débat au Cœur des Principes Démocratiques
En ce mois de décembre 2025, la controverse autour de la redevance de 55 euros pour manifester à Liège illustre une tension fondamentale entre la gestion administrative et budgétaire des villes et la garantie des droits civiques. La question de savoir si la liberté d'expression peut ou doit avoir un prix est un débat essentiel qui interpelle les fondements de notre système démocratique.
La Cité ardente se trouve à un carrefour : maintiendra-t-elle une mesure jugée restrictive par une partie de sa population et par les défenseurs des libertés, ou choisira-t-elle de réaffirmer sans ambiguïté le principe d'un accès libre et inconditionnel à l'expression citoyenne ? La réponse aura des répercussions bien au-delà des frontières communales, potentiellement influençant la manière dont la démocratie est vécue et exercée en Belgique dans les années à venir.