Bruxelles, le 6 décembre 2025 – Le compte à rebours est lancé. Dans moins d'un mois, le 1er janvier 2026, la Région de Bruxelles-Capitale franchira une nouvelle étape dans sa politique environnementale en interdisant la circulation des véhicules diesel répondant à la norme Euro 5 et essence Euro 2 sur l'ensemble de sa Zone de Basses Émissions (LEZ). Cette décision, saluée par les défenseurs de l'environnement pour son potentiel d'amélioration de la qualité de l'air, est en revanche vécue comme un véritable casse-tête, voire un drame financier, par des dizaines de milliers d'automobilistes.
Un calendrier serré et des conséquences immédiates
La Zone de Basses Émissions bruxelloise, mise en place progressivement depuis 2018, vise à bannir les véhicules les plus polluants du territoire régional. Après avoir déjà exclu les Euro 1, 2, 3 et 4 pour les diesels, et les Euro 1 pour les essences, le tour des diesels Euro 5 et essences Euro 2 approche à grands pas. La décision d'inclure ces catégories dans l'interdiction à partir de janvier 2026 avait été officiellement confirmée en septembre 2024, laissant un peu plus d'un an aux propriétaires pour s'adapter. Pour beaucoup, ce délai s'est avéré insuffisant ou les solutions proposées inaccessibles.
L'impact de cette mesure est colossal. Selon les chiffres disponibles à l'époque de l'annonce, des milliers de véhicules immatriculés à Bruxelles et au-delà seront directement concernés. Les estimations les plus récentes de l'administration régionale en cette fin d'année 2025 évoquent encore des dizaines de milliers de véhicules qui n'ont pas encore été remplacés ou mis hors circulation, soit par choix, soit par impossibilité financière.
« Nous avons dû changer de véhicule » : Le cri du cœur des Bruxellois
Pour de nombreux ménages bruxellois, l'interdiction signifie la fin d'une ère et le début d'un investissement lourd. « Nous avons dû changer de véhicule, » confie avec un soupir Marc, père de famille résidant à Evere, croisé par nos équipes. « Notre Opel diesel Euro 5 de 2013 fonctionnait parfaitement. Nous l'avions achetée d'occasion il y a cinq ans, pensant être tranquilles pour au moins dix ans. Là, on a dû se résoudre à prendre un crédit pour une voiture hybride moins chère, mais c'est un budget que nous n'avions absolument pas prévu. C'est une dépense supplémentaire de près de 300 euros par mois que nous allons devoir assumer pendant plusieurs années. »
Le marché de l'occasion est également bousculé. Les véhicules Euro 5 et Euro 2 voient leur valeur fondre comme neige au soleil à l'approche de la date fatidique. Les vendeurs peinent à trouver preneur en région bruxelloise, et doivent se tourner vers d'autres régions ou pays, souvent à des prix dérisoires, accentuant la perte financière pour les propriétaires.
Les navetteurs du Brabant wallon, doublement pénalisés
La situation est encore plus délicate pour les milliers de navetteurs venant du Brabant wallon qui travaillent à Bruxelles. Dépendants de leur voiture pour rejoindre la capitale en l'absence d'alternatives de transport en commun toujours suffisantes et rapides, ils se retrouvent pris en étau.
- Dépendance accrue : Contrairement aux Bruxellois qui peuvent se rabattre sur un réseau STIB dense, les habitants des communes périphériques n'ont souvent pas d'autre choix que la voiture pour leurs déplacements quotidiens.
- Coût du changement : Le coût d'acquisition d'un nouveau véhicule s'ajoute à des budgets familiaux souvent déjà serrés par le prix de l'immobilier et les taxes locales.
- Stationnement et parkings de délestage : Si certains peuvent opter pour des parkings de délestage en périphérie, les places sont limitées et le coût du transport complémentaire peut s'avérer dissuasif.
Chantal, qui fait quotidiennement le trajet de Wavre à Uccle pour son travail, exprime son désarroi : « Mon diesel Euro 5 est ma seule option viable. Les transports en commun me feraient perdre plus de deux heures par jour, en plus des correspondances compliquées. J'ai cherché à acheter une voiture plus récente, mais les prix sont exorbitants, même pour l'occasion. Et revendre la mienne ? On m'en propose une misère. Je me sens piégée. J'hésite à déménager, mais où aller ? »
Des aides régionales jugées insuffisantes
La Région bruxelloise a mis en place des primes pour encourager l'abandon des véhicules les plus polluants, notamment des primes Renouvellement ou Retrofit, mais leur montant et les conditions d'éligibilité sont souvent jugés insuffisants ou trop complexes par les citoyens concernés. Ces aides ne couvrent qu'une fraction du coût réel d'un nouveau véhicule, qu'il soit thermique plus récent, hybride ou électrique.
« Les primes ne sont qu'une goutte d'eau dans l'océan de dépenses que représente l'achat d'une nouvelle voiture, » estime un représentant de l'association automobile Touring, interrogé par EuroMK News. « Pour une famille modeste, même une prime de quelques milliers d'euros ne suffit pas à combler le fossé entre la valeur de leur ancien véhicule et le prix d'un modèle conforme. Il faut des mesures plus audacieuses, comme des prêts à taux zéro ou des partenariats avec l'industrie automobile pour offrir des véhicules plus abordables. »
Entre impératif écologique et réalité sociale
L'objectif de la LEZ est clair : améliorer significativement la qualité de l'air à Bruxelles, une problématique de santé publique majeure. L'Europe elle-même pousse à une réduction drastique des émissions polluantes. Cependant, la mise en œuvre de ces politiques se heurte de plein fouet à la réalité socio-économique des citoyens.
La transition écologique, bien que nécessaire, ne doit pas laisser les plus vulnérables sur le bord de la route. Alors que le 1er janvier 2026 approche, le débat continue de faire rage sur la justesse des mesures et l'accompagnement des automobilistes. La pression monte sur les autorités régionales pour qu'elles réévaluent l'efficacité et l'équité de leurs dispositifs d'aide, afin de garantir que l'ambition environnementale de Bruxelles ne se fasse pas au détriment de ses habitants et de ceux qui contribuent à sa vitalité économique au quotidien.
Le défi est double : poursuivre l'assainissement de l'air urbain tout en assurant une transition juste et supportable pour tous. La capitale belge est à la croisée des chemins, et les semaines à venir seront décisives pour des milliers de Bruxellois et de Wallons qui devront trouver des solutions avant de se retrouver hors-la-loi au volant de leur véhicule.