LE CAIRE, ÉGYPTE – L'archéologie, cette quête incessante des voix du passé, a encore frappé. Une annonce majeure faite cette semaine par une équipe internationale d'égyptologues marque la fin d'une longue période d'incertitude : l'identité du « pharaon inconnu de Tanis » a enfin été confirmée. Ce n'est autre que Shoshenq III (parfois orthographié Chéchonq III), dont le règne, quoique bien documenté, était étrangement absent des contextes funéraires royaux de la prestigieuse nécropole de Tanis.
Depuis des décennies, le nom de Shoshenq III, souverain de la 22e dynastie égyptienne, était familier aux historiens. Il avait régné avec une autorité considérable de 837 à 798 avant l'ère commune (AEC), une période complexe de l'histoire égyptienne, marquée par l'ascension des dynasties libyennes. De nombreuses inscriptions, papyrus et monuments attestent de sa présence et de son pouvoir à travers le royaume. Pourtant, là où d'autres pharaons de sa lignée avaient trouvé leur repos éternel dans les tombes de Tanis – ville que l'on surnommait alors la « Thèbes du Nord » –, aucune sépulture ou ensemble d'artefacts clairement attribuables à Shoshenq III n'avait été formellement identifié dans la nécropole royale, laissant un vide persistant dans le puzzle dynastique.
Des centaines de statuettes pour une révélation
Le mystère a été dissipé grâce à une découverte d'une ampleur inattendue et à une analyse minutieuse menée au cours de ces derniers mois. Dans une chambre secondaire, adjacente à une sépulture royale existante dans le complexe de Tanis, les archéologues ont mis au jour ce qui est décrit comme un véritable trésor de l'au-delà : des centaines de statuettes funéraires, les célèbres ouchebtis (ou shabtis). Ces figurines, destinées à servir le défunt dans l'au-delà en effectuant le travail à sa place, étaient fréquemment déposées en grand nombre dans les tombes égyptiennes.
Ce qui rend cette découverte particulièrement cruciale, c'est que ces ouchebtis portent des inscriptions hiéroglyphiques d'une clarté remarquable. Chaque figurine, souvent miniature et fabriquée avec soin, était gravée du nom et des titres du pharaon pour lequel elle avait été conçue. L'analyse paléographique et épigraphique de ces inscriptions a levé tout doute : elles se référaient sans équivoque à « Netjer-heqa-waset Ousermaâtrê Setepenamon Shoshenq », le nom complet de couronnement de Shoshenq III.
« C'est une confirmation que nous attendions depuis près d'un siècle, » a déclaré la semaine dernière le professeur Émile Dubois, égyptologue à l'Université de Louvain et membre de l'équipe de recherche. « Les ouchebtis, par leur nombre et la précision de leurs inscriptions, ne laissent place à aucune interprétation alternative. Ils sont la signature indubitable de Shoshenq III dans ce complexe funéraire de Tanis. »
Tanis, une nécropole royale majeure
La découverte prend tout son sens dans le contexte de Tanis. Située dans le delta du Nil, cette cité devint la capitale et la nécropole royale des pharaons des 21e et 22e dynasties durant la Troisième Période Intermédiaire (environ 1070 à 712 AEC). C'est à Tanis que des archéologues comme Pierre Montet, dès les années 1930 et 1940, avaient fait des découvertes spectaculaires, révélant les tombes inviolées de pharaons tels que Psousennès Ier, Osorkon II ou Shoshenq Ier. Ces sépultures, souvent d'une richesse éblouissante, avaient valu à Tanis le surnom de « Vallée des Rois du Nord ».
L'absence d'une identification claire de Shoshenq III, en dépit de l'évidence de son règne et de la présence de ses contemporains à Tanis, était devenue une énigme persistante. Certains égyptologues suggéraient que sa tombe avait pu être pillée et ses identifiants perdus, ou qu'il avait pu être enterré ailleurs. Ces centaines d'ouchebtis indiquent désormais clairement qu'il était bien destiné à être inhumé dans la nécropole royale de Tanis, même si les circonstances exactes de sa sépulture principale restent à élucider.
Le règne de Shoshenq III : entre grandeur et fragmentation
Le règne de Shoshenq III fut long et significatif. Descendant d'une lignée de chefs libyens installés en Égypte, il fut un pharaon puissant qui tenta de maintenir l'unité d'un pays de plus en plus fragmenté. Sous sa gouvernance, l'Égypte était divisée entre le pouvoir royal à Tanis, les grands prêtres d'Amon à Thèbes et divers chefs locaux dans le delta. Ses inscriptions témoignent de nombreux travaux de construction et de restaurations de temples, notamment à Tanis, à Bubastis et à Memphis, démontrant son influence sur une grande partie du territoire.
La confirmation de sa présence funéraire à Tanis ajoute une pièce maîtresse à notre compréhension de cette dynastie libyenne et de ses pratiques. Elle pourrait inciter les archéologues à réexaminer les données existantes et à envisager de nouvelles fouilles ciblées dans les environs immédiats de la découverte. L'espoir est désormais permis de localiser d'autres éléments de son complexe funéraire, et pourquoi pas, des indices sur son sarcophage ou son corps.
Un travail minutieux et des perspectives d'avenir
L'équipe de recherche, composée d'experts de diverses nationalités, a souligné l'importance de la technologie moderne dans cette identification. Des techniques de scan 3D des ouchebtis et des analyses comparatives avec des bases de données épigraphiques ont permis d'accélérer et de confirmer les identifications. « Chaque hiéroglyphe a été étudié, chaque nuance stylistique comparée à l'iconographie connue de l'époque », a précisé le Dr Anya Sharma, spécialiste de la Troisième Période Intermédiaire, lors de la conférence de presse.
Cette révélation n'est pas seulement une victoire pour l'égyptologie ; elle illustre aussi la patience et la persévérance nécessaires à l'archéologie. Après des millénaires de silence, les sables du désert et les couches de l'histoire continuent de livrer leurs secrets, offrant une fenêtre toujours plus claire sur la grandeur et la complexité de l'Égypte ancienne. L'identité de Shoshenq III, pharaon de Tanis, n'est plus un mystère, mais une promesse de nouvelles découvertes.