BRUXELLES, le 4 décembre 2025 – L'air est électrique au Parlement de la Fédération Wallonie-Bruxelles. En cette fin d'année 2025, l'émission radio phare de VivaCité, "C'est vous qui le dites", habituellement saluée pour sa proximité avec le public, est plongée dans une intense tourmente médiatique et politique. La polémique, qui couve depuis plusieurs mois, a atteint son paroxysme suite à de nouvelles accusations de complaisance envers des propos jugés extrêmes ou non-factuels. C'est dans ce contexte tendu que la Ministre de la Culture et des Médias, Jacqueline Galant, a pris la parole en séance plénière, jetant un pavé dans la mare en défendant le principe fondamental selon lequel "tout le monde a droit à la parole" sur les ondes du service public.
Une polémique récurrente qui s'intensifie en 2025
Depuis son lancement, "C'est vous qui le dites" s'est imposée comme un rendez-vous quotidien incontournable pour des milliers d'auditeurs de la RTBF. Sous la houlette de son animateur emblématique, Cyril Detaeye, l'émission offre une plateforme d'expression libre aux citoyens sur une multitude de sujets d'actualité. Si ce format a longtemps été plébiscité pour son accessibilité et sa capacité à capter le pouls de la société, il est désormais la cible de critiques virulentes.
Les griefs se sont multipliés ces dernières semaines, particulièrement amplifiés par les réseaux sociaux. Des associations de lutte contre la désinformation, des collectifs citoyens et certains observateurs médiatiques reprochent à l'émission de ne pas toujours exercer une modération suffisante face à des intervenants qui, sous couvert d'opinion, propageraient des théories complotistes, des discours stigmatisants ou des informations non vérifiées. Le débat sur la ligne éditoriale du service public et sa responsabilité en matière d'information et de modération est plus que jamais d'actualité.
Le déclencheur de la nouvelle crise
La récente escalade de la controverse a été précipitée par une séquence diffusée mi-novembre. Lors d'une émission consacrée aux enjeux environnementaux et aux politiques climatiques, un auditeur a eu l'occasion de s'exprimer longuement, remettant en question la réalité du réchauffement climatique avec des arguments jugés pseudoscientifiques par de nombreux experts et une partie de l'opinion publique. Malgré les tentatives de Cyril Detaeye de recadrer le débat, la séquence a été largement partagée et critiquée en ligne, ravivant les inquiétudes quant à la capacité de l'émission à garantir un débat éclairé et factuel.
Le Conseil Supérieur de l'Audiovisuel (CSA) a d'ailleurs confirmé à EuroMK News avoir reçu un nombre significatif de plaintes concernant cette émission, ouvrant la voie à une potentielle analyse approfondie du contenu et de sa conformité aux obligations du service public.
L'intervention remarquée de la Ministre Jacqueline Galant
C'est face à cette levée de boucliers que la Ministre Jacqueline Galant, en charge de la Culture et des Médias au sein du gouvernement de la Fédération Wallonie-Bruxelles, a choisi d'intervenir publiquement. Devant les députés, elle a martelé une position qui se veut un équilibre délicat entre liberté d'expression et responsabilité, mais qui a déjà suscité de vives réactions.
"Le rôle du service public est d'être le reflet de notre société dans toute sa diversité, et non d'en filtrer les voix selon des critères arbitraires", a déclaré la Ministre. "Dans une démocratie vivante, tout le monde a droit à la parole. Que les opinions soient conformes ou non à la pensée dominante, elles doivent pouvoir s'exprimer, pour autant qu'elles respectent la loi et ne tombent pas dans l'incitation à la haine ou à la violence. La RTBF a une mission de pluralisme et elle se doit de l'incarner pleinement, même quand cela dérange. Il ne s'agit pas de valider chaque propos, mais d'offrir un espace d'écoute et de dialogue, fût-il parfois houleux."
Cette déclaration a été interprétée de diverses manières. Pour certains, elle constitue un soutien clair à la ligne éditoriale de "C'est vous qui le dites" et un rappel à l'ordre pour ceux qui souhaitent museler des voix dissonantes. Pour d'autres, elle risque d'être perçue comme une caution politique à des dérives potentielles, diluant la responsabilité du service public dans la promotion d'un débat sain et constructif.
La RTBF défend son modèle de "pluralité de vues"
Face aux critiques et à l'intervention ministérielle, la direction de la RTBF, par l'intermédiaire de ses services de communication, a réaffirmé la pertinence de son approche. Le succès continu de "C'est vous qui le dites", qui touche un large public fidèle, est selon eux la preuve de l'intérêt d'une offre quotidienne axée sur une "pluralité de vues, quel que soit le sujet du débat".
"Notre mission est d'offrir un espace où chaque citoyen peut s'exprimer et être entendu", a expliqué un porte-parole de la RTBF, contacté par EuroMK News. "Nous ne sommes pas là pour dire aux gens ce qu'ils doivent penser, mais pour leur permettre de partager leurs préoccupations et leurs points de vue. Bien sûr, cela implique une vigilance constante sur les contenus, et une modération active. Mais nous devons aussi être garants de la liberté d'expression. Le rôle de Cyril Detaeye est précisément d'animer ces échanges, de relancer, et de rappeler le cadre républicain du débat. C'est un exercice d'équilibriste exigeant."
La RTBF met en avant ses mécanismes de régulation interne et sa collaboration avec le CSA pour garantir le respect de ses obligations déontologiques et légales, tout en soulignant la complexité de modérer une émission en direct face à des appels d'auditeurs très diversifiés.
Les enjeux d'un débat sous haute tension
Cette controverse autour de "C'est vous qui le dites" n'est pas qu'une simple question d'antenne; elle cristallise des enjeux plus larges sur le rôle du service public audiovisuel à l'ère de la désinformation et de la polarisation sociale. Comment un média public peut-il incarner la diversité des opinions sans pour autant légitimer des discours potentiellement nuisibles ? Où se situe la frontière entre la liberté d'expression et l'incitation à la haine ou à la diffusion de fausses informations ?
- Liberté d'expression versus responsabilité éditoriale : La RTBF, en tant que service public, est tenue par des missions de pluralisme, d'information et d'éducation. La question est de savoir si le principe "tout le monde a droit à la parole" est compatible avec une responsabilité éditoriale exigeante en matière de vérification et de contextualisation.
- L'impact des réseaux sociaux : Les critiques et les extraits d'émissions sont rapidement amplifiés sur les plateformes numériques, créant une caisse de résonance qui peut transformer une simple opinion en une polémique nationale.
- La place du politique : L'intervention de la Ministre Galant souligne la tension constante entre l'autonomie éditoriale des médias publics et la tutelle politique, notamment dans un contexte où les budgets et les missions sont régulièrement réévalués.
Alors que 2025 touche à sa fin, le débat autour de "C'est vous qui le dites" est loin d'être clos. La RTBF devra non seulement répondre aux interpellations parlementaires et aux éventuelles conclusions du CSA, mais aussi rassurer son public sur sa capacité à maintenir un espace d'échange ouvert, respectueux et éclairé. La survie même du format, tel qu'il est conçu, pourrait dépendre de la résolution de cette crise de confiance.