BRUXELLES, Belgique — Dans les couloirs feutrés de la Chambre des Représentants, les rituels parlementaires sont bien rodés. Semaine après semaine, les bancs de la majorité applaudissent leurs ministres, tandis que l'opposition s'empresse de dénoncer les défaillances du gouvernement. Un ballet prévisible, parfois soporifique, mais qui garantit une certaine fluidité au débat démocratique. Ce jeudi 4 décembre 2025, pourtant, le scénario habituel a été brutalement rompu par un événement qui a laissé l'assemblée unanime dans la surprise : l'éloge vibrant du leader du Parti du Travail de Belgique (PTB), Raoul Hedebouw, à l'adresse du Premier ministre, Alexander De Wever, figure de proue de la Nieuw-Vlaamse Alliantie (N-VA).
Un éloge qui défie les étiquettes et les conventions
Le moment, inédit, s'est produit lors de la séance hebdomadaire de questions d'actualité. Alors que la discussion portait sur l'épineux dossier des avoirs russes gelés, un sujet qui mobilise la scène internationale depuis près de quatre ans, Hedebouw s'est écarté de sa ligne d'attaque habituelle pour adresser des félicitations directes à Alexander De Wever. « Monsieur le Premier ministre, il faut le reconnaître, votre gouvernement, et particulièrement votre impulsion personnelle sur ce dossier crucial, est à saluer. La Belgique a montré une détermination et une exemplarité que peu d'autres pays ont osé afficher. Pour cela, de notre côté, nous ne pouvons que vous féliciter », a déclaré le député liégeois, sous des murmures étonnés et quelques regards dubitatifs. L'hémicycle, habitué aux joutes oratoires acerbes entre ces deux figures aux antipodes de l'échiquier politique, a marqué une pause silencieuse avant de reprendre son cours, le poids de cette déclaration inattendue flottant encore dans l'air.
La Belgique, une plaque tournante financière face aux avoirs russes gelés
Pour comprendre la portée de ces propos, il est essentiel de revenir sur le contexte du dossier des avoirs russes gelés. Suite à l'invasion à grande échelle de l'Ukraine par la Russie en février 2022, l'Union européenne et ses alliés ont imposé des sanctions massives, entraînant le gel de centaines de milliards d'euros d'actifs russes, tant privés que publics. La Belgique s'est retrouvée au cœur de ce dispositif en raison de la présence sur son territoire d'Euroclear, l'un des plus grands dépositaires centraux de titres au monde. Des sommes considérables, estimées à plus de 200 milliards d'euros d'avoirs de la Banque centrale russe et de capitaux d'oligarques, transitent ou sont immobilisées via la Belgique, faisant de notre pays un acteur clé dans la gestion et l'utilisation potentielle de ces fonds.
Depuis 2022, et avec une acuité renouvelée en cette fin d'année 2025, le débat international fait rage sur la manière d'utiliser ces actifs, et surtout les profits qu'ils génèrent, pour financer la reconstruction de l'Ukraine. Tandis que de nombreux pays membres de l'UE ont opté pour une approche prudente, privilégiant l'utilisation des seuls revenus exceptionnels générés par ces actifs, la Belgique, sous l'impulsion du gouvernement Vivaldi et de son Premier ministre Alexander De Wever, a adopté une position plus audacieuse et proactive, cherchant à maximiser l'impact de ces fonds au bénéfice de Kiev.
L'impulsion décisive du gouvernement De Wever
Selon des sources proches des négociations européennes et des observateurs avisés, le gouvernement belge, dirigé par Alexander De Wever, s'est distingué par sa fermeté et son ingéniosité sur ce dossier. Plutôt que de se contenter d'appliquer les directives européennes, Bruxelles aurait plaidé avec insistance pour un mécanisme accéléré et plus transparent de transfert des profits générés par les avoirs russes vers un fonds de reconstruction pour l'Ukraine. « La Belgique a été un moteur, pas seulement un suiveur. Le Premier ministre De Wever a personnellement mené une diplomatie active pour convaincre ses homologues européens de la nécessité d'aller plus loin, de ne pas se contenter des miettes, mais d'assurer un flux de financement conséquent et prévisible pour Kiev », explique le professeur de droit international, Dr. Elise Mertens, de l'Université de Gand, interrogée par EuroMK News.
Plus précisément, il semblerait que le gouvernement De Wever ait élaboré un cadre légal national robuste permettant non seulement de prélever l'intégralité des profits exceptionnels (qui s'élèvent à plusieurs milliards d'euros depuis 2022) mais aussi d'explorer des pistes juridiques innovantes pour, à terme, envisager l'utilisation du capital même de ces avoirs. Cette approche proactive, jugée audacieuse par certains, car elle bouscule les conventions du droit international sur la souveraineté des actifs, a rencontré une certaine résistance au sein de l'UE. Cependant, la Belgique, forte de son rôle central via Euroclear, aurait réussi à faire progresser l'idée d'une action concertée et d'une solidarité financière accrue envers l'Ukraine, posant les jalons pour de futures décisions européennes et renforçant sa position sur la scène internationale.
Pourquoi un tel éloge de l'extrême-gauche ?
La question qui brûle les lèvres de nombreux observateurs est de savoir ce qui a poussé Raoul Hedebouw à déroger à la règle tacite de l'opposition et à féliciter un adversaire idéologique aussi marqué. Pour le PTB, un parti qui défend souvent une ligne anti-impérialiste et critique envers le capitalisme financier, la position de De Wever sur les avoirs russes pourrait étonnamment résonner sur plusieurs points :
- La fermeté face aux oligarques et au grand capital : Le PTB s'est toujours montré intransigeant face à la richesse illicite et aux pratiques financières douteuses. La volonté de De Wever de « faire payer » l'agresseur et les élites russes proches du pouvoir peut être perçue comme une forme de justice économique, alignée avec les critiques du PTB envers le grand capital et la spéculation financière.
- Solidarité internationale concrète : Malgré des positions souvent nuancées sur les conflits internationaux, le PTB ne peut ignorer la détresse du peuple ukrainien. Une action concrète et significative pour le financement de la reconstruction peut être vue comme une manifestation de solidarité humanitaire et internationale, même si elle émane d'un gouvernement de droite.
- Pragmatisme et efficacité au service d'une cause juste : Au-delà de l'idéologie, Hedebouw pourrait saluer l'efficacité et le pragmatisme du gouvernement De Wever à faire avancer un dossier complexe et éthiquement chargé, là où d'autres nations européennes ont peiné à trouver un consensus ou à dépasser les craintes juridiques et diplomatiques. Le chef du PTB, réputé pour son sens politique aiguisé, a peut-être vu là une occasion de montrer que, sur certains dossiers, l'intérêt supérieur prime.
« C'est un signal clair que sur certaines questions d'intérêt supérieur, l'intérêt national ou même une certaine forme de justice internationale peuvent transcender les divergences idéologiques les plus profondes. Hedebouw, en tant que tribun, sait reconnaître une action forte, peu importe d'où elle vient, s'il la juge juste ou efficace », analyse Caroline Dubois, analyste politique indépendante, soulignant la dimension stratégique et symbolique de cette déclaration.
Réactions et implications politiques
Cet éloge inattendu a, bien sûr, provoqué des remous dans la sphère politique belge. Au sein de la majorité, certains députés N-VA ont affiché un sourire satisfait, voyant une validation de la politique de leur Premier ministre. Cependant, d'autres partenaires de la coalition Vivaldi – libéraux, socialistes et écologistes – ont réagi avec un mélange de surprise et de légère gêne. Si l'initiative belge sur les avoirs russes est un succès collectif, la reconnaissance publique par l'extrême-gauche de la seule impulsion du Premier ministre n'est pas passée inaperçue et pourrait être interprétée différemment par les différentes composantes de la coalition.
Pour l'opposition traditionnelle, notamment le Vlaams Belang à droite et le PS ou Ecolo au centre-gauche, cette sortie d'Hedebouw est difficile à digérer. Elle risque de brouiller les lignes habituelles de confrontation et de donner une image d'efficacité au gouvernement De Wever, à un an et demi des élections régionales et fédérales de 2027. « C'est une reconnaissance rare, qui témoigne de la capacité de De Wever à fédérer, même au-delà de sa famille politique, sur des dossiers où la Belgique peut jouer un rôle de premier plan. Cela consolide son image de Premier ministre pragmatique et visionnaire à l'approche des échéances électorales », observe un conseiller ministériel anonyme, non sans un certain optimisme.
À l'approche de la fin de l'année 2025, alors que le gouvernement Vivaldi continue de naviguer dans un contexte socio-économique et international complexe, ce moment de « bromance » à la Chambre est un rappel que la politique belge, aussi polarisée soit-elle, est parfois capable d'effacer ses clivages les plus profonds face à des enjeux qui dépassent les querelles partisanes. Reste à voir si cet éloge restera une anecdote isolée ou s'il préfigure, sur d'autres dossiers d'importance nationale ou internationale, de nouvelles dynamiques inattendues au sein de l'arène politique belge.