Un mois de novembre 2025 'inhabituel' pour la Bourse de l'IA
L'actualité financière de ce début décembre 2025 met en lumière un phénomène boursier pour le moins surprenant au cœur du secteur de l'intelligence artificielle. Deux géants technologiques, dont la trajectoire semblait jusqu'alors synonyme de croissance ininterrompue grâce à l'IA, prennent des chemins diamétralement opposés. D'un côté, Nvidia, leader incontesté des processeurs graphiques (GPU) essentiels à l'entraînement des modèles d'IA, a connu un mois de novembre 2025 particulièrement difficile, voyant sa valeur boursière reculer de 12%. De l'autre, Alphabet, la maison mère de Google, a affiché une santé insolente, grimpant de 14% sur la même période. Un tel écart, avec notamment une chute marquée de Nvidia autour du 25 novembre dernier, interroge sur la nature profonde de la 'course à l'IA'.
Longtemps perçue comme un indicateur quasi-univoque de la prospérité du secteur, la performance de Nvidia était souvent corrélée à l'enthousiasme général pour l'intelligence artificielle. Sa prédominance dans la fourniture des puces nécessaires à l'apprentissage profond lui avait conféré un statut de baromètre. Mais les chiffres de novembre 2025, révélés notamment par Les Échos, suggèrent qu'un vent nouveau, et potentiellement plus structurel, souffle sur l'écosystème de l'IA, redéfinissant les dynamiques d'investissement et les stratégies des acteurs majeurs.
Du 'training' à l''inférence' : le changement de paradigme technique et économique
L'ère de l'exploitation des modèles d'IA
Au cœur de cette réévaluation boursière se trouve une transition technologique et économique capitale : le passage d'une phase dominée par l'entraînement (le 'training') des modèles d'intelligence artificielle à une phase centrée sur leur exploitation (l''inférence'). Historiquement, les GPU de Nvidia étaient indispensables pour la phase d'apprentissage, où les modèles d'IA ingurgitent des quantités colossales de données pour acquérir leurs compétences. Cette étape, extraordinairement gourmande en calculs, a longtemps été le moteur principal de la croissance de Nvidia.
Cependant, avec la maturité grandissante de modèles comme ChatGPT, qui approche désormais le milliard d'utilisateurs dans le monde en cette fin 2025, l'enjeu se déplace. Chaque interaction, chaque requête formulée par un utilisateur auprès d'un agent conversationnel ou d'une application d'IA générative, sollicite la capacité d'inférence. Il ne s'agit plus d'apprendre, mais d'appliquer les connaissances acquises, et ce, à une échelle massive et en temps réel.
L'avantage compétitif des puces TPU de Google
C'est ici que la stratégie d'Alphabet prend tout son sens. Google a investi massivement et depuis de nombreuses années dans ses propres puces spécialisées, les Tensor Processing Units (TPU). Conçues spécifiquement pour les charges de travail d'IA, les TPU se révèlent particulièrement compétitives pour l'inférence. Leur architecture est optimisée pour exécuter les modèles entraînés avec une efficacité énergétique et un coût par opération qui peuvent dépasser ceux des GPU généralistes de Nvidia pour ces tâches précises. Cet avantage est crucial dans un monde où les services d'IA sont de plus en plus consommés par des millions, voire des milliards d'individus, rendant chaque milliseconde et chaque watt décisifs pour la rentabilité et l'expérience utilisateur.
L'ancien patron France de Microsoft, cité par la source originale, soulignait déjà l'importance de cette évolution en affirmant qu'« Il y a une profusion des cas d'usage potentiels ». Cette multiplication des applications concrètes, de la traduction instantanée à la création de contenu, de l'assistance personnalisée à l'optimisation industrielle, génère une demande exponentielle en capacité d'inférence, positionnant Google et ses TPU comme un acteur clé de cette nouvelle donne.
Alphabet : l'orchestrateur de l'IA de production
La montée en puissance d'Alphabet en Bourse en novembre 2025 n'est pas seulement le reflet d'une performance matérielle. Elle symbolise la pertinence de sa stratégie globale dans l'IA. Google Cloud, avec son offre de services d'IA incluant ses TPUs, est idéalement positionné pour devenir la plateforme de choix pour les entreprises et les développeurs souhaitant déployer et monétiser leurs propres modèles d'IA à grande échelle. L'intégration verticale de Google, de la conception des puces à l'hébergement des services, en passant par le développement de ses propres modèles d'IA (comme Gemini et ses prédécesseurs), lui confère une agilité et une efficacité que peu d'autres peuvent égaler.
La perspective d'une monétisation prochaine et généralisée des services d'IA accentue la valeur des infrastructures optimisées pour l'inférence. Plus les modèles d'IA deviennent des produits finis, prêts à être consommés par un public vaste, plus la capacité à les servir de manière rapide, fiable et économique devient le facteur déterminant du succès commercial. Alphabet, avec sa maîtrise des flux de données mondiaux et son expertise dans l'exploitation de services à grande échelle, est taillé pour ce rôle.
Nvidia face au défi de l'évolution du marché
Faut-il pour autant sonner le glas de la suprématie de Nvidia ? Absolument pas. L'entreprise californienne reste un acteur incontournable pour la phase d'entraînement, qui continue d'évoluer et d'exiger des puces toujours plus puissantes pour des modèles toujours plus complexes. De plus, Nvidia s'adapte et propose également des solutions optimisées pour l'inférence avec ses propres gammes de GPU et de plateformes logicielles. L'écosystème CUDA, développé par Nvidia, reste un standard de l'industrie pour de nombreux développeurs et chercheurs en IA.
Cependant, les mouvements boursiers observés en novembre 2025 signalent une diversification des sources de valeur dans le paysage de l'IA. La 'course aux puces' ne se limite plus à la simple puissance brute pour l'apprentissage, mais englobe désormais une compétition acharnée sur l'efficacité, le coût et la spécialisation pour les diverses étapes du cycle de vie de l'IA. Nvidia est confronté au défi de démontrer sa capacité à maintenir son leadership non seulement dans la phase d'entraînement, mais aussi à s'imposer comme une solution de référence pour l'inférence massive face à des concurrents comme Google, mais aussi Amazon (avec ses Graviton et Inferentia) et d'autres fabricants de puces spécialisées.
Perspectives : un marché de l'IA de plus en plus nuancé
En ce début décembre 2025, le secteur de l'intelligence artificielle nous offre une leçon de marché d'une grande clarté : la technologie ne cesse d'évoluer, et avec elle, les opportunités d'investissement. L'ère des pionniers de l'entraînement, bien que toujours essentielle, laisse place à une nouvelle phase où l'industrialisation et la monétisation à grande échelle des modèles d'IA deviennent primordiales. La divergence entre Alphabet et Nvidia n'est pas un simple soubresaut boursier ; elle est l'indicateur d'un changement structurel profond, où l'optimisation pour l'inférence devient un avantage concurrentiel majeur.
Les investisseurs et les acteurs de l'industrie devront désormais considérer un paysage de l'IA plus nuancé, où la valeur est répartie entre les capacités d'apprentissage et les capacités d'exécution massive. Alphabet, avec sa vision intégrée et ses TPUs performants, semble avoir anticipé cette mue, récoltant les fruits de ses investissements stratégiques. Nvidia, quant à lui, est appelé à réaffirmer sa polyvalence et son adaptabilité pour rester un pilier de l'innovation et de la rentabilité dans ce marché de l'IA en perpétuelle redéfinition.