Une victoire retentissante pour la presse européenne en cette fin d'année 2025
Bruxelles, Belgique – Le 9 décembre 2025 – C'est une décision qui fait l'effet d'une déflagration dans le paysage médiatique et technologique européen : le mastodonte américain Google a été lourdement sanctionné par un tribunal belge. Le jugement, prononcé ce mardi, ordonne à Google de verser au groupe de presse Rossel, un acteur majeur des médias francophones en Belgique et en France, un montant total dépassant les 20 millions d'euros. Cette somme colossale comprend 13,7 millions d'euros au titre de dommages et intérêts financiers directs, auxquels s'ajoutent les intérêts légaux cumulés sur plusieurs années de procédure, ainsi qu'une indemnisation de 5 millions d'euros pour le préjudice moral subi par le groupe.
Cette condamnation, rapportée initialement par la RTBF et confirmée par nos sources, est perçue comme un jalon fondamental dans la longue et complexe bataille qui oppose les éditeurs de presse aux géants du numérique concernant la rémunération de l'utilisation de leurs contenus. Le groupe Rossel, qui détient des titres phares comme Le Soir, Sudinfo en Belgique, et La Voix du Nord en France, voit dans cette décision une reconnaissance significative du travail journalistique et de l'investissement éditorial.
Les détails d'une condamnation exemplaire
Le tribunal a scrupuleusement détaillé les différents chefs de préjudice qui justifient cette indemnisation massive. Les 13,7 millions d'euros de dommages et intérêts financiers directs visent à compenser les pertes de revenus estimées par Rossel dues à l'exploitation non rémunérée de ses contenus par Google. Il s'agit notamment de l'affichage de titres, d'extraits et de visuels issus des publications du groupe dans les résultats de recherche, sur Google News, et à travers d'autres services du moteur de recherche, sans que les éditeurs n'aient perçu de juste part de la valeur générée.
L'ajout des intérêts légaux, calculés depuis le début de la procédure, alourdit encore la facture pour Google. Mais c'est sans doute l'octroi des 5 millions d'euros pour préjudice moral qui revêt une signification particulière. Cette reconnaissance souligne le tort immatériel causé à Rossel, non seulement en termes de dévalorisation de ses contenus, mais aussi en ce qui concerne l'atteinte à son modèle économique, à son image et à la reconnaissance de son rôle essentiel dans l'information du public. Elle met en lumière l'impact systémique de pratiques jugées déséquilibrées sur l'écosystème médiatique.
Un litige de longue haleine : le combat pour les droits voisins
L'affaire opposant Rossel à Google n'est pas nouvelle ; elle s'inscrit dans un mouvement plus large et une prise de conscience accrue des éditeurs de presse en Europe. Le litige avait été formellement engagé par le groupe Rossel devant les tribunaux belges au début de l'année 2022, mais ses racines plongent plus profondément dans les discussions autour de la Directive européenne sur le droit d'auteur (DSM Directive 2019/790), adoptée en 2019 et transposée dans le droit national des États membres au cours des années suivantes.
Cette directive a introduit le concept de “droits voisins” pour les éditeurs de presse, leur conférant le droit d'autoriser ou d'interdire la reproduction et la communication au public de leurs publications de presse en ligne, et d'exiger une rémunération pour cette utilisation. Les éditeurs ont longtemps argué que Google, en agrégeant et en monétisant massivement leurs contenus, tirait d'énormes profits sans une juste compensation pour les créateurs originaux, mettant en péril la viabilité économique de la presse d'information.
Pour Rossel, comme pour de nombreux autres éditeurs, la persistance de cette situation, malgré les avancées législatives européennes, a rendu le recours judiciaire inévitable. Le groupe a toujours milité pour une répartition plus équitable de la valeur générée par l'information en ligne, arguant que sans une presse forte et indépendante, la qualité du débat démocratique est menacée.
Google face à l'Europe : un contexte de régulation accrue
Cette condamnation belge n'est pas un cas isolé. Elle s'inscrit dans une série de revers judiciaires et réglementaires pour Google en Europe. Au cours des dernières années, et notamment en 2023 et 2024, le géant américain a dû faire face à des injonctions et des accords financiers significatifs dans d'autres pays de l'Union européenne. En France, par exemple, suite à l'application de la directive sur les droits voisins, Google a été contraint de négocier et de signer des accords de rémunération avec de nombreux éditeurs de presse, et a également fait l'objet de sanctions de la part de l'Autorité de la Concurrence pour non-respect de ses engagements.
La multiplication de ces décisions témoigne d'une volonté politique et judiciaire européenne de reprendre la main sur la régulation du numérique et de rééquilibrer le rapport de force entre les plateformes mondiales et les acteurs locaux, en particulier dans le secteur stratégique de l'information. Les lois sur les marchés numériques (DMA) et les services numériques (DSA), entrées pleinement en vigueur en 2024, contribuent également à encadrer plus strictement les pratiques des géants du web, même si cette affaire Rossel relève spécifiquement des droits d'auteur.
Les implications pour l'avenir de la presse et du numérique
La victoire de Rossel est bien plus qu'une simple indemnisation financière. Elle envoie un signal fort à l'ensemble de l'industrie médiatique : la persévérance juridique peut porter ses fruits face aux acteurs dominants. Elle pourrait encourager d'autres groupes de presse en Europe, qui n'auraient pas encore obtenu pleine satisfaction dans leurs négociations ou recours, à intensifier leurs actions en justice.
Pour Google, cette amende s'ajoute à une longue liste de sanctions dans le monde. Elle rappelle la nécessité d'adapter ses modèles économiques et ses pratiques à un environnement réglementaire européen de plus en plus exigeant et à la reconnaissance croissante de la valeur du contenu éditorial. Bien que Google ait la possibilité de faire appel de cette décision, le jugement actuel représente déjà une pression considérable pour revoir sa politique de rémunération des éditeurs.
« Cette décision est une bouffée d'oxygène pour la presse. Elle valide des années d'efforts pour faire reconnaître que l'information a un coût et qu'elle doit être justement rémunérée », a déclaré un expert en droit des médias interrogé par EuroMK News. « C'est aussi un message clair envoyé aux plateformes : l'ère de l'exploitation gratuite des contenus est révolue en Europe. »
L'année 2025 se termine donc sur une note résolument favorable aux éditeurs de presse, marquant potentiellement le début d'une nouvelle ère de négociations et de collaborations plus équilibrées entre les producteurs de contenu et les distributeurs numériques.