BRUXELLES, le 4 décembre 2025 – Un séisme vient de secouer la communauté scientifique et le débat public autour du glyphosate, l'herbicide le plus utilisé au monde. La revue scientifique de renom «Regulatory Toxicology and Pharmacology» a annoncé ce début de mois de décembre 2025 le retrait d'une étude d'envergure, qui fut pendant des années une pierre angulaire dans la défense de la non-cancérogénicité du glyphosate. La raison invoquée est des conflits d'intérêts majeurs et non divulgués, liant directement les trois auteurs de la publication à la firme Monsanto, rachetée en 2018 par le groupe allemand Bayer.
Cette décision, rapportée initialement par des médias comme Le Devoir, intervient dans un contexte de surveillance accrue de l'intégrité scientifique et de méfiance persistante du public envers les études financées par l'industrie. Elle marque un tournant potentiellement significatif dans l'évaluation de la sécurité du glyphosate.
La Retraction : Un Aveu de Manque de Transparence
L'étude en question, dont la publication originale remonte à plusieurs années, affirmait ne trouver aucune preuve convaincante que le glyphosate présente un risque cancérogène pour l'homme. Ses conclusions avaient été largement citées par les défenseurs de l'herbicide, y compris par l'industrie, pour contrer les préoccupations sanitaires et les classifications d'agences internationales.
Le comité de rédaction de «Regulatory Toxicology and Pharmacology» a justifié le retrait en déclarant avoir découvert, après une réévaluation approfondie, que les trois auteurs de l'étude avaient des liens financiers et consultatifs substantiels avec Monsanto, liens qui n'avaient pas été correctement divulgués au moment de la soumission et de la publication de l'article. Cette dissimulation flagrante est considérée comme une violation grave des normes éthiques et des politiques de transparence de la revue.
Des Liens Troublants Révélés
Les détails spécifiques des conflits d'intérêts n'ont pas été entièrement rendus publics par la revue, mais il est entendu qu'ils impliquaient des rémunérations directes, des subventions de recherche et des participations à des panels consultatifs financés par Monsanto. Ces révélations ont été mises en lumière à la suite d'enquêtes journalistiques et d'analyses post-publication, qui ont examiné le corpus de littérature scientifique sur le glyphosate à la lumière de documents internes d'entreprises rendus publics lors de litiges judiciaires passés.
«La crédibilité de toute publication scientifique repose sur l'indépendance de ses auteurs et la transparence de ses financements. Lorsque ces principes fondamentaux sont compromis, la science elle-même est ébranlée», a commenté le Dr. Émilie Dubois, éthicienne scientifique à l'Université de Louvain, interrogée par EuroMK News.
Le Contexte Historique du Débat sur le Glyphosate
Le glyphosate est au centre d'une controverse mondiale depuis de nombreuses années. En 2015, dix ans avant l'actualité qui nous occupe aujourd'hui, le Centre International de Recherche sur le Cancer (CIRC), une agence de l'Organisation Mondiale de la Santé (OMS), avait classé le glyphosate comme «cancérogène probable pour l'homme» (groupe 2A). Cette classification avait déclenché une vague de préoccupations et de procédures judiciaires, notamment aux États-Unis, où des dizaines de milliers de plaignants ont affirmé que l'herbicide avait causé leurs cancers.
D'autres agences réglementaires, comme l'Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) et l'Agence de protection de l'environnement (EPA) aux États-Unis, ont maintenu, jusqu'à présent, des positions différentes, concluant que le glyphosate n'était pas susceptible d'être cancérogène pour l'homme lorsqu'il est utilisé conformément aux instructions. Cette divergence de conclusions a alimenté un débat houleux, où les études scientifiques jouent un rôle pivot.
L'étude qui vient d'être retirée était souvent brandie par l'industrie et certains régulateurs pour étayer l'argument de la sécurité du glyphosate, contrecarrant directement les conclusions du CIRC.
Implications pour l'Avenir du Glyphosate et la Science
Le retrait de cette étude est lourd de conséquences à plusieurs niveaux :
- Pour la crédibilité scientifique : Il met en lumière la nécessité impérieuse de renforcer les processus de révision par les pairs et les exigences de déclaration de conflits d'intérêts dans les revues scientifiques, surtout lorsque des intérêts industriels sont en jeu. Cela pourrait inciter d'autres revues à réexaminer des études passées.
- Pour les régulateurs : Bien que la plupart des décisions réglementaires soient basées sur un corpus large d'études, le retrait d'une pièce maîtresse du dossier en faveur de la sécurité du glyphosate pourrait exercer une pression renouvelée sur les agences de réglementation pour qu'elles revoient leurs positions, en particulier en Europe où le débat sur la réautorisation de l'herbicide a été féroce.
- Pour l'industrie : L'entité désormais connue sous le nom de Bayer, qui a acquis Monsanto en 2018, fait face à un défi supplémentaire pour défendre la sécurité de son produit phare. Ce retrait alimente le narratif de la manipulation scientifique, potentiellement ravivant les poursuites judiciaires et l'indignation publique.
- Pour le public : La confiance du public dans la science et les institutions est déjà fragile. Ce genre d'incident ne fait qu'éroder davantage cette confiance, soulevant des questions légitimes sur l'indépendance de la recherche.
«Cet événement est un rappel brutal que la science n'est pas imperméable aux pressions et aux conflits d'intérêts. Il souligne l'importance vitale de la vigilance, de la transparence et de l'indépendance pour maintenir l'intégrité du processus scientifique», a ajouté le Dr. Dubois.
La Transparence comme Remède
En conclusion, le retrait de cette étude sur le glyphosate par «Regulatory Toxicology and Pharmacology» est bien plus qu'une simple anecdote scientifique. C'est un puissant signal d'alarme. Il renforce l'appel à une plus grande transparence dans le financement de la recherche, à des déclarations de conflits d'intérêts plus rigoureuses et à une vigilance constante de la part des revues et des institutions scientifiques. Alors que les décideurs politiques et le public continuent de s'interroger sur la sécurité des produits chimiques omniprésents, l'intégrité de la science reste la boussole essentielle pour naviguer dans ces débats complexes et à forts enjeux.