dimanche 7 décembre 2025
Gabriel Zucman tire la sonnette d'alarme : L'optimisation fiscale d'entreprises françaises coûte des milliards à l'Hexagone, la Suisse et le Luxembourg pointés du doigt
Économie

Gabriel Zucman tire la sonnette d'alarme : L'optimisation fiscale d'entreprises françaises coûte des milliards à l'Hexagone, la Suisse et le Luxembourg pointés du doigt

Le célèbre économiste Gabriel Zucman dénonce l'ampleur de la délocalisation de bénéfices par de grandes entreprises françaises vers des juridictions à fiscalité avantageuse, notamment la Suisse et le Luxembourg. Une étude récente révèle que plus de 10 milliards d'euros de profits échappent ainsi chaque année à la France, entraînant un manque à gagner fiscal estimé à 3,7 milliards d'euros et impactant directement les revenus des salariés.

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Paris, le 7 décembre 2025 – Le débat sur l'optimisation fiscale agressive et la fuite des capitaux refait surface avec acuité en cette fin d'année 2025. L'économiste de renommée mondiale Gabriel Zucman, professeur à l'Université de Californie à Berkeley et spécialiste incontournable des inégalités et des paradis fiscaux, a de nouveau fermement dénoncé les pratiques de délocalisation de bénéfices par les grandes entreprises françaises. Ses récentes prises de position s'appuient sur une étude percutante, dont les conclusions ont été rendues publiques ce mois-ci, mettant en lumière des chiffres alarmants sur les sommes qui échappent chaque année au fisc français et, par extension, aux citoyens.

Des milliards d'euros s'évaporent vers l'étranger

Les révélations de cette nouvelle étude sont édifiantes. Elle estime que pas moins de 300 grandes entreprises françaises transfèrent annuellement plus de 10,3 milliards d'euros de profits réalisés en France vers des entités étrangères. Ce flux colossal, s'il était imposé dans l'Hexagone, générerait des recettes fiscales supplémentaires estimées à 3,7 milliards d'euros. Un manque à gagner significatif pour les caisses de l'État, dont les conséquences se répercutent sur l'ensemble de la société. Ces informations ont notamment été relayées par des médias de référence, dont L'essentiel, soulignant l'urgence de la situation.

Qui est Gabriel Zucman, le héraut de la justice fiscale ?

Gabriel Zucman n'est pas un nouveau venu sur la scène de la fiscalité internationale. Disciple de Thomas Piketty, il s'est forgé une solide réputation grâce à ses travaux pionniers sur l'ampleur de la richesse cachée dans les paradis fiscaux et les mécanismes de l'évasion fiscale. Lauréat de la prestigieuse médaille John Bates Clark en 2023, il est l'un des architectes intellectuels de l'idée d'un impôt minimal mondial sur les sociétés, une proposition qui a depuis pris corps au sein de l'OCDE et du G20. Sa voix est donc particulièrement écoutée lorsqu'il s'agit de dénoncer les failles du système fiscal international.

La Suisse et le Luxembourg, des destinations privilégiées

L'étude incriminée met spécifiquement en cause deux juridictions européennes qui jouent un rôle central dans cette architecture d'optimisation : la Suisse et le Luxembourg. Ces pays, membres de l'espace économique européen pour le second, continuent d'offrir des régimes fiscaux particulièrement attractifs pour les multinationales, souvent par le biais de législations adaptées et d'accords bilatéraux.

  • Le Luxembourg : Connu pour ses régimes d'exonération de dividendes, ses accords fiscaux anticipés (ruling) et sa flexibilité en matière de redevances et de prêts intra-groupe, le Grand-Duché est une plaque tournante pour les holdings et les sociétés financières qui gèrent des profits générés ailleurs.
  • La Suisse : Malgré des réformes récentes pour s'aligner sur les standards internationaux, la Suisse conserve des avantages compétitifs, notamment pour l'implantation de sièges régionaux, de centres de coûts et l'exploitation de la propriété intellectuelle. Les cantons suisses jouissent par ailleurs d'une autonomie fiscale qui peut encore être exploitée pour minimiser l'impôt sur les bénéfices.

Les entreprises utilisent des mécanismes sophistiqués pour transférer leurs profits. Il s'agit notamment de la manipulation des prix de transfert entre filiales, de l'imputation de redevances pour l'utilisation de marques ou de brevets détenus dans des juridictions à basse fiscalité, ou encore de prêts intra-groupe à des taux d'intérêt avantageux. L'objectif est simple : faire remonter artificiellement les bénéfices vers des lieux où l'impôt sur les sociétés est le plus faible possible.

Des conséquences profondes pour l'économie et la société française

Les 3,7 milliards d'euros qui échappent au budget de l'État chaque année ne sont pas qu'un chiffre abstrait. Ils représentent des fonds qui manquent cruellement pour financer des services publics essentiels et des investissements cruciaux pour l'avenir de la France.

Impact sur les finances publiques

Ces milliards pourraient, par exemple, servir à :

  • Renforcer le système de santé, actuellement sous tension.
  • Financer l'éducation et la recherche.
  • Investir dans la transition écologique et les infrastructures publiques.
  • Réduire le déficit public ou la dette nationale.

Conséquences sur les revenus des salariés

Au-delà des recettes fiscales, l'étude souligne un impact direct sur les revenus des salariés. Lorsque les bénéfices sont délocalisés, la capacité d'investissement des entreprises en France est potentiellement réduite, ce qui peut freiner la création d'emplois, limiter les augmentations de salaires et diminuer les contributions sociales. Moins de profits déclarés en France signifie aussi une base de négociation affaiblie pour les syndicats et une perception d'injustice grandissante face aux efforts demandés aux travailleurs et aux petites et moyennes entreprises qui, elles, n'ont pas la même latitude pour optimiser leur fiscalité.

Concurrence déloyale et fracture sociale

Cette pratique engendre également une concurrence déloyale. Les PME et les entreprises locales, qui n'ont ni les ressources ni la structure pour se livrer à une telle ingénierie fiscale, se retrouvent désavantagées. Elles paient leurs impôts en France, contribuant pleinement à l'économie nationale, tandis que les grandes multinationales réduisent drastiquement leur part. Cela nourrit un sentiment d'iniquité fiscale qui fragilise le contrat social et la confiance dans les institutions.

Vers une réponse internationale et nationale ?

Gabriel Zucman et de nombreux autres experts appellent à une action coordonnée et résolue. L'année 2025 est charnière pour la mise en œuvre de l'impôt minimal mondial de 15% sur les multinationales, un accord historique conclu sous l'égide de l'OCDE et du G20. Connu sous le nom de « Pilier Deux », cet accord vise justement à limiter les incitations à la délocalisation des profits en garantissant qu'une entreprise paie toujours un minimum d'impôt, quel que soit le pays où ses bénéfices sont déclarés. Cependant, son déploiement se heurte encore à des défis techniques, juridiques et politiques dans plusieurs juridictions, nécessitant une vigilance constante et une volonté politique inébranlable.

En France et au niveau européen, les débats s'intensifient pour renforcer la transparence fiscale des entreprises. Des propositions pour des rapports publics pays par pays sur l'activité et les impôts payés par les multinationales sont sur la table, afin d'offrir aux citoyens et aux parlements une vision claire de là où les profits sont réellement réalisés et imposés. La Commission européenne continue de plaider pour une harmonisation fiscale accrue, bien que les avancées soient souvent lentes en raison de l'unanimité requise sur les questions fiscales.

Conclusion : L'urgence d'une justice fiscale globale

Les chiffres mis en avant par Gabriel Zucman rappellent avec force que la lutte contre la délocalisation des bénéfices n'est pas qu'une question technique, mais un enjeu fondamental de justice économique et sociale. En cette fin d'année 2025, alors que les États peinent à financer leurs services publics et à faire face aux défis climatiques et sociaux, le manque à gagner fiscal dû à l'optimisation agressive des grandes entreprises est plus que jamais insoutenable. L'appel de Zucman est clair : sans une volonté politique forte et une coopération internationale renforcée, les milliards continueront de s'envoler, creusant les inégalités et sapant les fondements de nos démocraties.

Photo by Joseph Chan on Unsplash

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